Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 13.djvu/359

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
355
G. SÉAILLES. — les méthodes psychologiques

pondantes ne sont pas nécessairement perçues comme simultanées : l’expérience prouve que l’impression sur laquelle est fortement dirigée l’attention est aperçue la première. Il arrive aussi que des excitations séparées en fait par un certain intervalle sont perçues comme simultanées. Il s’agit de tirer de ces faits des conclusions sur la durée des actes psychiques. Une difficulté se présente : chaque impression a une sorte d’écho physiologique, laisse quelque chose d’elle-même dans l’organe. Si deux excitations successives sont perçues simultanément, c’est donc au moins en partie pour des raisons toute physiologiques, parce que la première excitation retentit encore dans l’organe quand la seconde commence à agir. Mais si, ayant mesuré cet écho de l’impression dans l’organe, on trouve qu’il est plus court que l’intervalle des deux excitations, on peut conclure que la raison de cette différence de durée doit être cherchée dans les conditions de l’aperception. En instituant des expériences sur ces faits, on peut donc arriver à des conclusions sur la durée des actes psychiques. Le procédé le plus instructif est évidemment celui qui permet dans une seule et même observation de faire que tour à tour des impressions simultanées paraissent successives et des impressions successives simultanées : la durée des actes d’aperception variant comme les conditions de l’expérience, on peut conclure des unes à l’autre[1].

La méthode de reproduction ne s’applique qu’à l’étude de ce qu’on peut appeler le sens du temps. Il s’agit de mesurer l’exactitude avec laquelle nous pouvons reproduire un temps déterminé. On appelle temps normal la durée objective dont on veut mesurer les altérations subjectives dans la mémoire ; on appelle temps de comparaison (Vergleichszeit) le temps qui, selon notre appréciation subjective, est égal au temps normal. L’expérience se ramène donc toujours à ces termes : après un certain temps écoulé, faire répondre à un temps normal un temps de comparaison qui lui semble égal. Le procédé le plus simple consiste à marquer le commencement et la fin d’une durée normale par deux impressions de son, puis, après un temps

  1. « Si deux excitations se succèdent à un intervalle de temps n (qui est indiqué par les appareils enregistreurs), et si elles ne sont perçues que comme une seule excitation, on peut en conclure que la première sensation a une durée au moins égale à n. Si l’intervalle est augmenté de n′ (si l’on a par conséquent n + n′) et si le sujet perçoit deux sensations, on peut en conclure que la première sensation a une durée plus petite que n + n′. En faisant varier n′ on peut déterminer avec une exactitude suffisante le temps physiologique pour la première sensation. » (Th. Ribot, Psych. allemande,. p. 322.) Pour avoir la durée de l’acte psychique il faut encore tenir compte de écho physiologique de l’excitation.