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CH. LÉVÊQUE. — l’esthétique musicale en france

à les avoir tentées. Il rappelle que, avant lui, Willis avait associé des tuyaux à anche à des tubes résonnants de longueur variable, et qu’il avait produit différents sons par l’allongement du tube résonnant. Les tubes les plus courts lui donnaient l’I, puis l’É, l’A, l’O et enfin l’OU, correspondant au tube d’un quart de longueur d’onde. Pour une plus grande longueur, les voyelles se représentaient dans l’ordre inverse.

« Les déterminations ainsi opérées de la hauteur des tuyaux résonnants concordent bien avec les miennes, pour les voyelles graves, dit M. Helmholtz. Pour les voyelles aiguës, Willis a trouvé des sons relativement trop élevés. De plus, les voyelles É et I, artificiellement produites, différaient assez des voyelles naturelles[1]. »

« Mais, dit M. Helmholtz à la page suivante, on obtient les voyelles encore mieux et plus nettement, en employant des sphères creuses accordées, au lieu de tubes cylindriques. » Par ce moyen, diversement appliqué, l’expérimentateur a obtenu la voyelle OU, l’O, l’A un peu ferme, un A aigre. Il lui est arrivé également d’obtenir avec les même tuyaux à anche plusieurs variétés d’AI, EU, É, I, en y adaptant des sphères creuses de verre, dans l’orifice desquelles était encore ajouté un tube long de 6 à 10 centimètres, de manière à obtenir la double résonance donnée par la bouche dans les voyelles[2].

Allant plus loin encore, M. H. Helmholtz, dans ses recherches sur la perception des timbres, a formé directement les voyelles au moyen de leurs harmoniques. Il a constaté que, avec une faible intensité, les harmoniques supérieurs ne diminuent pas trop la possibilité de l’emploi musical du son, et qu’ils augmentent au contraire le caractère et la puissance d’expression de la musique. Or dans cette catégorie figurent, avec une importance particulière, les sons des instruments à archet ; puis la plupart des instruments à anche : le hautbois, le basson, l’harmonium, la voix humaine[3]. Partant de là, il s’est proposé de recomposer les voyelles de la voix humaine et les sons des instruments qui y ressemblent.

Il a imaginé un appareil formé de diapasons et de résonnateurs, qui s’ouvrent ou se ferment au gré de l’expérimentateur. Avec cet appareil, on peut créer diverses combinaisons du son fondamental avec les harmoniques présentant des intensités variables, et produire de cette manière les sons des divers timbres. Et, ce qu’il y a de singulièrement remarquable, c’est que, parmi les sons fournis par la nature qui semblent le mieux se prêter à être reproduits par les dia-

  1. Théorie physiologique de la musique, trad. G. Guéroult, page 148.
  2. Même ouvrage, page 149.
  3. Même ouvrage, page 151.