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de leurs songes ! Aussi bien, plusieurs psychologues ont admis depuis longtemps l’existence de phénomènes psychiques inconscients. Les observations de Mosso offrent toutefois un singulier intérêt en apportant des preuves objectives à l’appui de la théorie d’après laquelle l’activité cérébrale se continue durant le sommeil sans que la conscience sache rien de ce travail. C’est la doctrine de Carpenter et de Maudsley. Aussi la persistance d’un certain degré d’énergie dans l’idéation, et d’abord la persistance d’une certaine suractivité dans la circulation du sang, semble-t-elle la condition de la conscience.

En effet M. Mosso n’hésite pas à conclure, de toutes ses expériences sur le sommeil, qu’il suffit de diminuer très peu le quantité du sang qui pénètre dans l’encéphale pour que la conscience s’éteigne. Il a même entrepris une expérience directe : il a pratiqué sur Bertino la compression des deux carotides ou principales artères qui amènent le sang dans le cerveau, et, en même temps que le volume du cerveau diminuait très rapidement, la perte absolue de la conscience arrivait. Mosso ajoute (p. 114) qu’il n’y a pas de fonction organique qui dépende plus étroitement que la conscience des variations dans les échanges matériels. À cet égard, les organes mêmes des sens offrent bien plus de résistance aux agents externes. On peut produire une ischémie de tout l’avant-bras pendant vingt minutes sans que les appareils sensibles du système nerveux soient privés de leurs fonctions et empêchés de transmettre les impressions tactiles, calorifiques ou douloureuses. Mais, dans un espace de temps trois cents fois moindre, une diminution, non pas même un arrêt complet de l’afflux sanguin au cerveau, abolit la conscience.

Le professeur Mosso a donc raison d’écrire quelque part qu’une étude des variations fonctionnelles du cerveau en rapport avec les changements circulatoires est des plus intéressantes pour le psychologue, parce qu’il n’y en a point de plus propre à bien montrer le lien étroit qui rattache les phénomènes psychologiques aux phénomènes matériels.

E. G.

A. Campbell Fraser, L. L. D.Berkeley. William Blackwood and Sons. Edimbourg et Londres, 1881.

Dans l’élégante collection des philosophes classiques de Blackwood, M. Fraser, qui semble avoir consacré sa vie à l’évêque de Cloyne, vient de publier sur Berkeley un nouveau volume. Après avoir fait paraître une magnifique édition des œuvres complètes de ce philosophe et, un peu plus tard, un choix de ses œuvres, tel qu’on devrait bien, il me semble, en donner un en France à l’usage des étudiants, le savant professeur d’Edimbourg s’est proposé de présenter la pensée de Berkeley dans son unité organique. Il suit le développement de cette pensée dans