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auditif se trouvant tout à coup assez développé pour remplir ses fonctions ? Nous l’ignorons aussi. Mais il est facile d’observer, dans la première quinzaine, une très grande impressionnabilité aux moindres bruits, quels qu’ils soient. L’enfant tressaille et cligne les yeux lorsqu’il entend le bruit soudain d’un choc, d’une porte fermée, d’un meuble dérangé, d’une voiture roulante, d’un éternuement, d’un éclat de rire, d’un cri, d’un chant élevé.

Pour ce qui est des perceptions musculaires, comme nous l’avons déjà dit, ébauchées sans doute chez le fœtus, leur progrès en nombre et différenciation est fort limité dans le premier mois. Les perceptions musculaires se rapportant à la motricité sont donc encore bien rudimentaires pendant cette époque. Cela ne veut pas dire qu’il en soit de même à l’égard des autres sensations musculaires, comme aussi des sensations cutanées. L’enfant, continuellement soumis à de nouvelles sensations de contact, de pression et de température, a pu déjà retenir et développer, sous les lois de l’intégration et la différenciation, quantité de perceptions dont le caractère propre et la combinaison ont déjà fait beaucoup pour la faculté de localisation des sensations à cause extérieure dans les différentes parties du corps.

Où est encore, vers le second mois, la connaissance des objets extérieurs ? Et d’abord comment, à cette époque, l’enfant les voit-il ?

Il convient peut-être de se demander si le petit enfant, à l’âge d’un ou même de deux mois, voit tous les objets situés dans le champ de vision. Y a-t-il pour l’individu une évolution progressive du sens des couleurs, comme Gladstone et Magnus veulent qu’elle ait eu lieu pour l’espèce ? D’après la thèse soutenue par eux, le sens de la couleur ne se serait développé chez l’homme que depuis les temps héroïques, c’est-à-dire depuis trois mille ans environ. Les anciens ne distinguaient, avant Homère, la lumière qu’en tant que claire et colorée. Dans l’éducation progressive de l’organe, trois couleurs principales lui auraient été successivement révélées et lui seraient apparues dans l’ordre de plus ou moins grande réfrangibilité : ce sont le rouge, le vert et le violet. Dans la seconde phase de son développement, le sens de la couleur devint complètement distinct du sens de la lumière. Le rouge et le jaune avec leurs nuances, l’orangé compris, sont maintenant nettement distingués. Ce qui caractérise la troisième période, c’est qu’on y apprend à reconnaître les couleurs qui en fait d’éclat, n’appartiennent ni à l’un ni à l’autre extrême, mais qui sont en somme des variétés du vert. Enfin, dans la quatrième phase de son développement, l’homme commence à discerner le bleu ; cette phase dure encore, et même elle est peu