Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 12.djvu/13

Cette page n’a pas encore été corrigée
9
J. OCHOROWlCZ. — projet d’un congrès de psychologie

règnes avait précédé l’autre ; les premiers êtres vivants furent-ils des plantes, ou des animaux « Ils furent des protistes, » a répondu Hæckel, et il avait raison. En somme, je ne vois dans cette psychogénie artificielle qu’une réminiscence modérée d’anciennes méthodes et d’anciens systèmes métaphysiques, qui devaient nécessairement porter l’empreinte d’originalités individuelles, sous peine de n’être pas qualifiés de dignes d’attention. C’est de cette tendance à construire des systèmes originaux qui embrassent tout, mais qui expliquent peu, qu’il faut se préserver pour le moment, si l’on ne veut pas perdre son temps et retarder le progrès. Cette réserve mise en pratique, nous aurons sans doute moins d’inventeurs, mais certainement plus d’inventions.

On m’accusera peut-être d’imposer des liens trop durs aux élans libres de la pensée, de condamner les hypothèses philosophiques aux vues larges et profondes… Mais il y a là deux ordres de choses à distinguer : d’abord les conditions du progrès d’une science à peine née, d’une science de faits et d’induction, et puis les prétentions légitimes mais prématurées d’une science possible, d’une science de raisonnement et de déduction. Il y a une physique et une philosophie physique ; celle-là ne s’occupe guère de questions trop larges et trop profondes : elle généralise les expériences, voilà tout ; celle-ci s’occupe du reste, des questions telles que l’atomicité, la nature des molécules, l’unité des forces, les lois de l’équilibre de l’univers, l’essence même de la force ; en un mot, tout ce qui est au-dessus de l’expérimentation directe en constitue l’objet.

Il y a une zoologie et une philosophie zoologique, l’une ne dépassant pas les bornes de l’observation, de la description et de la classification naturelle, l’autre touchant aux problèmes de l’origine des êtres, de la génération spontanée, des lois de transformation, des rapports avec le milieu ambiant, du plan général de la création, etc., c’est-à-dire de tout ce qui dépasse les limites d’une observation particulière.

De même, il y a une psychologie, science à la fois descriptive, comme la zoologie, et explicative, comme la physique, mais néanmoins exclusivement empirique ; et il y aura, il peut y avoir une science philosophique, qui présuppose l’autre et à qui conviendrait le nom de psychologie philosophique. C’est à celle-ci qu’appartiendra la solution des questions générales, telles que l’origine de la vie psychique, son évolution graduelle dans la hiérarchie des êtres, l’essence de la force psychique, l’application possible des lois de la corrélation des forces aux phénomènes psychiques, les problèmes fondamentaux de l’esprit et de la matière, etc.

Peut-on sauver cette branche de la philosophie desséchée par le