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ANALYSES ET COMPTES RENDUS




Thomas Fowler. — Bacon’s Novum organum edited with introduction, notes, etc. — 1 vol. in 8o , xvi-619 pages. Oxford, Clarendon Press, 1878.

Si rien était jamais définitif en fait de recherches historiques, on pourrait dire que voilà l’édition définitive du Novum organum. Au travail si complet et si minutieux du savant professeur de logique de l’Université d’Oxford, on se demande ce qu’un nouvel éditeur pourrait ajouter utilement. Ce beau travail semble même, à première vue, un peu chargé de détails. Tel y est le luxe des notes, des renseignements et éclaircissements de tout genre, que l’œuvre de Bacon en paraît d’abord comme enveloppée, étouffée. Celui qui se serait figuré que le Novum organum est d’une lecture facile et rapide ne manquera pas d’être un peu surpris, en le voyant édité comme on édite en Allemagne la Métaphysique d’Aristote.

C’est pourtant bien ainsi, et seulement ainsi, qu’il convient désormais de présenter au public les ouvrages de Bacon, celui-là surtout, si l’on ne veut pas les laisser tomber en oubli. À pratiquer avec suite cette édition, on comprend de mieux en mieux qu’elle était nécessaire et en quoi elle est excellente. Il faut en convenir, en effet, ces écrits de Bacon ont singulièrement vieilli. La pensée et la langue y sont souvent également obscures, malgré l’éclat de certains passages ; et la lecture en est, au demeurant, très fatigante. Aussi qui les lit, à part quelques hommes du métier ? Parmi les esprits mêmes qui ont le plus de culture philosophique, combien connaissent de ces ouvrages autre chose que le titre et tout au plus l’esprit général ? C’est que, savants ou philosophes, les vrais disciples de Bacon, ceux qui sembleraient devoir le goûter, puisque volontiers ils jurent par lui, sont plus tournés vers l’expérience que vers l’étude des textes. Ils ont appris de Bacon lui-même à ne pas donner trop de temps aux recherches d’érudition. Appliquer la méthode célébrée dans le Novum organum leur semble plus intéressant et plus utile que d’en rechercher l’origine. Au contraire, ceux qui aiment les lectures difficiles ont de quoi s’exercer sur un auteur, qui, vu de près, apparaît presque autant comme un produit de la scolastique que comme le précurseur des modernes. Il est vrai qu’en général ils se portent de préférence vers les penseurs d’une autre tendance et vers les écrivains d’une autre époque ; mais cela est