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ZEITSCHRIFT FUER PHILOSOPHIE UND PHILOSOPHISCE KRITIK
Année 1880, vol. 77e et supplément.
1-2 livraisons.

Edmund Pfleiderer : Kriticisme kantien et philosophie anglaise.

Le retour à Kant, qui semble bien aujourd’hui le mot d’ordre commun des intelligences philosophiques en Allemagne, peut s’entendre et s’effectuer dans des sens bien différents. Ainsi, tandis que les uns veulent faire revivre, en les transformant sans doute par des modifications plus ou moins originales, plus ou moins profondes, les principes théoriques et pratiques du criticisme, les autres rejettent la philosophie morale de Kant, comme une œuvre sénile et indigne du génie de son auteur. Il en est enfin qui traitent avec le même dédain toute l’œuvre critique du maître, et n’accordent leur admiration qu’aux écrits composés pendant la période antécritique. Kant ne vaut aux yeux de ces derniers que comme un continuateur des philosophes anglais. Et il n’est pas étonnant que quelques esprits en soient arrivés insensiblement à préférer les maîtres au disciple, et à vouloir ramener les penseurs allemands à l’école des grands sensualistes anglais. Kant le ur devrait ses meilleures inspirations, et il a eu le tort de ne pas les suivre assez fidèlement et surtout de les faire oublier par ses propres disciples. Cette disposition nouvelle des esprits contemporains s’accuse surtout dans les deux ouvrages de H. Wolff et de von Gizycki, parus tous les deux dans la même année. Le premier, sous le titre des Spéculation et philosophie (2 volumes, Berlin, 1878), s’attaque particulièrement à la philosophie théorique de Kant ; L’éthique de David Hume et sa signification historique (Breslau, 1878) est surtout, pour le second, une occasion de combattre les principes et les conclusions de la Critique de la raison pratique. Il faut en finir avec la spéculation idéaliste et à priori. Locke, Hume et Stuart Mill, d’un coté ; Hume, Shaftesbury, Bentham, Ad. Smith, de l’autre voilà les véritables maîtres de la pensée et de la conscience moderne. C’est contre cette glorification de l’empirisme anglais que Pfleiderer élève son énergique protestation. Dans un premier article, il s’attache à démontrer l’originalité et la vérité durables de la théorie kantienne de la connaissance. Il relève habilement les contradictions dont Wolff ne réussit pas toujours à se défendre dans le développement de sa thèse, et les erreurs d’interprétation où l’entraîne son opposition systématique contre la théorie de Kant. Pfleiderer n’hésite pas d’ailleurs à reconnaître les défauts, les lacunes de la Critique de la raison pure. Ainsi la table des catégories est incomplète, puisqu’on n’y trouve pas le concept de fin, qui doit jouer pourtant son rôle dans les catégories de la relation. Le parallèle tenté entre les formes logiques du jugement et les catégories a quelque chose d’arbitraire et de forcé. Il en faut dire autant de la