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PÉRIODIQUES.. — Vierteljahrssclerift für Philosophie.

les progrès sociaux enfin, qui sont dus au travail séculaire de la société ou du moi collectif. Et qui sait jusqu’où pourra s’élever par ce moyen la puissance de l’individu ? Mais cette extension indéfinie de son empire sur la nature n’est pas encore pour l’homme la vraie liberté. — Trois conditions sont nécessaires pour que l’individu se sente libre : il faut qu’il ait conscience d’agir, qu’il ait l’initiative de son acte, et qu’il soit satisfait de son acte, mais d’une satisfaction durable. Tous les actes accomplis dans ces conditions éveillent immédiatement dans l’individu le sentiment de sa liberté. Mais la réflexion vient bientôt troubler cette conviction instinctive. Comment concilier la liberté de l’individu avec la nécessité de l’action divine et des lois naturelles ? On sait les efforts sans nombre des philosophes, depuis Platon jusqu’à Kant, pour résoudre la redoutable antinomie. Il convient ici d’interroger le sens intime ; son témoignage vaut mieux que toutes les subtiles inventions de la dialectique des métaphysiciens. Il est inutile, pour rendre compte de la liberté du moi, de recourir aux hypothèses de Platon, de Spinoza ou de Fichte ; il n’est pas nécessaire davantage de nier que tout acte volontaire est nécessairement déterminé par le motif le plus fort. Il suffit de réfléchir que la force des motifs ne peut être ramenée aux lois d’un mécanisme quelconque, soit physique, soit moral. C’est l’individu lui-même qui seul, par son choix spontané, fait que tel motif l’emporte, aujourd’hui l’un, demain l’autre.

A. Spir : Les trois questions capitales de l’idéalisme. III. De la nature et de l’unité du moi (fin). L’examen sérieux des faits conduit à rejeter également les doctrines diverses des spiritualistes, des sensualistes et des matérialistes. Le moi n’est pas une substance, mais un processus, un composé, qui prend dans la conscience la forme d’une unité absolue, d’une substance, et est dupe ainsi d’une illusion, sur laquelle repose justement le phénomène du moi. « Il y a bien en nous quelque chose de durable, de persistant, non à la manière d’une substance, mais d’une loi. Ce quelque chose n’est pas un principe réel et concret, mais une pure forme. » Kant n’enseigne pas autre chose. Cette doctrine, loin de nous enlever notre liberté, est, au contraire, le plus solide argument sur lequel la liberté puisse se fonder. Si nous admettons que l’individualité du moi est une illusion et que la réalité vraie réside non pas dans la pluralité des substances individuelles, mais dans l’unité de la substance absolue, nous sommes forcés de reconnaître que notre être véritable est en Dieu ; et que nous devons chercher en dehors de la nature, ou plutôt au-dessus d’elle, les règles de notre pensée et de notre volonté et c’est en ce sens que nous sommes libres.

Anton von Leclair : Le réalisme de la science moderne à la lumière de la théorie de la connaissance instituée par Berkeley et par Kant. Prague, Tempsky. 1878.

L’auteur, se plaçant au point de vue des néo-kantiens, et, en particulier, d’A. Lange, combat les illusions, et s’attache à faire ressortir les con-