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ANALYSES. — arès y sanz.Discurso en la Universidad, etc.

solu, mais il lui est possible d’en connaître une partie. Sa mission n’est pas de préciser les faits par anticipation, ni surtout en dehors de l’expérience terrestre ; mais d’interpréter idéalement par la raison, qui nous fait connaître l’essence et la loi, les phénomènes perçus par les sens. Pas plus que l’intelligence n’existerait sans la raison, pas plus la raison ne fonctionne sans les sens, ou plutôt avant les sens. La raison se développe à son moment, ayant sur les sens une priorité logique et non ontologique ou chronologique. J’ai bien peur que cette évolution progressive de la raison métaphysique n’ait plus d’affinité que l’auteur ne voudrait avec l’évolution de l’école expérimentale. Aussi bien cette métaphysique de l’absolu relatif, dont l’idéal est la connaissance totale de l’essence, idéal vers lequel elle est condamnée à toujours aspirer sans l’atteindre, cette métaphysique s’appelle, par ailleurs, d’un nom plus vrai, la philosophie, généralisation des diverses sciences empiriques.

Loin de rendre tous ses titres à la philosophie, ainsi comprise, M. Arès y Sanz inclinerait plutôt à voir un retour indirect à la métaphysique dans chaque tentative unitaire de philosophes qui n’ont rien moins que sacrifié à son idole. Nous ne lui contesterons pas le droit d’énumérer avec orgueil les noms des illustres défenseurs ou auxiliaires de sa doctrine, et, pour ne citer que les Français, ceux de Janet, Caro, Vacherot, Renouvier, Ravaisson, Saisset, Franck, Pillon etc. Mais quand M. Ribot, après avoir appelé la métaphysique un songe poétique, déclare, comme M. Vacherot ou M. Bersot, que ces rêveries séduisantes ne sont pas absolument inutiles, qu’on y peut voir des hypothèses stimulant aux recherches scientifiques, l’auteur a-t-il bien interprété la pensée de M. Ribot, et s’y décèle-t-il le moindre aveu de confiance en la métaphysique ? L’auteur aurait dû aussi, ce me semble, être un peu moins prompt à placer sur la même ligne l’essence de l’idéalisme, le noumène de Kant, la cause en soi de Schopenhauer, l’incognoscible de Spencer, l’Inconscient de Hartmann, qui sont pour lui autant de manières différentes de nommer la manifestation de l’être. Pour ce qui est des hypothèses unitaires de Spencer, il serait injuste d’oublier que pour lui l’unité est encore un fait, lequel trouvé n’est pas le dernier de la série, cet inconcussum quid réfractaire à l’analyse.

Quoi qu’en pense M. Arès y Sanz, la synthèse expérimentale n’est jamais qu’un expédient philosophique, une halte de l’investigation méthodique, un phare planté au-dessus des faits vérifiables, mais non pas en dehors d’eux, qui ouvre, aussitôt élevé, de nouveaux horizons à l’analyse. Toutes les conceptions synthétiques des choses ne valent que par l’analyse, et pour l’analyse. Si la métaphysique n’a pas un autre mode de progression, pourquoi lui conserver le nom de métaphysique ? Si la synthèse scientifique est votre but idéal ? Pourquoi ne pas y marcher directement et simplement, métaphysiciens qui vous ralliez, bon gré mal gré, à l’expérience ?

Bernard Perez.