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s’est offert aux sens des générations pensantes disparues, tel qu’il s’offre encore aux sens des hommes actuels. Bref la science est objective, elle peint la réalité, elle se rapporte à un monde extérieur donné, en même temps qu’elle est subjective, c’est-à-dire qu’elle donne de ce monde réel une interprétation ou traduction humaine, en fonction de la forme de notre organisme et de notre pensée. Ce chapitre (chap. 8) se termine par les considérations les plus profondes sur la portée de l’intelligence humaine, sur la nature relative de la science, sur la valeur du scepticisme et sur les degrés différents du processus logique dans les divers stades de l’humanité, enfin sur la perception de l’espace et du temps[1].

Peut-être dans son ensemble, comme dans cette dernière partie, dépasse-t-il par sa force même la capacité moyenne des étudiants et s’adresse-t-il plutôt aux professeurs qu’aux élèves. Pour devenir plus aisément assimilable, il aurait besoin, ce semble, au moins en ce qui concerne ce chapitre, d’être mis au point de l’enseignement classique par un auteur se préoccupant plus que ne le fait M. Sergi de la clarté esthétique, de l’ordre extérieur.

Il faut bien reconnaître du reste qu’à vouloir simplifier outre mesure les résultats de cette science de l’esprit, qui est a plus complexe de toutes, on risque de leur ôter toute valeur. Le livre III (331-352), De la conscience, nous offre un nouvel exemple de la nécessité où est le psychologue d’entrer dans le détail et d’employer les distinctions précises pour ne pas rester trop infidèle à la réalité dans la description de phénomènes aussi délicats. Heureusement, les phénomènes afférents à la conscience sont par nature moins compliqués que les opérations de la connaissance rationnelle. L’auteur a su dans ce livre être exact sans obscurité.

A-t-il été complet ? Il y a au sujet de la conscience un débat pendant entre les philosophes, qui méritait d’être signalé. Maudsley soutient que la conscience est inutile à la connaissance ; il va jusqu’à dire qu’elle est en raison inverse de la pénétration intellectuelle et que plus les opérations se réduisent au mécanisme cérébral, mieux elles sont conduites. Penser à soi tandis qu’on pense e une chose donnée est une perte de force, une diversion qui déconcerte. D’autres croient (et M. Sergi parait être du nombre avec Spencer) que la connaissance et la conscience progressent simultanément, et que la clarté de celle-ci est en raison directe de la coordination des éléments de celle-là. La question n’est pas posée ; n’y aurait-il pas eu avantage à ce qu’elle le fût ? Elle se présentait d’autant plus naturellement que l’auteur reconnaît le rapport de la conscience du moi avec l’organisme. Si la conscience du moi est la connaissance des diverses parties de notre corps, elle exigera en effet une dépense de force mentale spéciale pour s’exercer et pour con-

  1. Les hypothèses nativiste et empirique sont ici exposées et discutées avec clarté.