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ANALYSES. — g. sergi.Elementi di psicologia.

que sur les données de la perception, mais qui les transforme en les passant au crible de l’abstraction. L’analyse ne s’arrête pas là : elle s’exerce sur les idées elles-mêmes ; c’est elle qui les universalise ; c’est elle qui en extrait les caractères essentiels propres aux distinctions et aux oppositions sur lesquelles tout le langage est fondé et qui sont la vie de l’esprit. Son œuvre est donc tout artificielle, relative à la forme de notre esprit, plus encore que la sensation ; relative surtout en ce que nulle idée n’est formée que par rapport à une autre.

Les philosophes de l’antiquité qui ont réalisé les idées l’ont donc fait sans le moindre fondement, de même ceux qui ont distingué entre les idées à priori et les idées à posteriori. Nulle idée n’a jamais germé dans un esprit d’homme sans avoir été préalablement élaborée d’après les données de la perception ; seulement il est vrai que nous ne sommes pas, en ce qui concerne notre pouvoir d’abstraire et de généraliser dans le même état que l’humanité primitive ; même chez l’enfant actuel, qui débute par un état en apparence voisin de l’animal, le passage à un 6 tat mental développé est considérablement abrégé non seulement par le langage, mais par la trace actuellement subsistante des progrès acquis dans la suite des générations antérieures. « L’âme actuelle vit à la fois de la vie du passé et dans le moment présent ; elle vit dans la tradition organique. En ce sens, le savoir, on peut le dire avec Platon, est un souvenir. La vie psychique individuelle est une histoire évolutive abrégée de la vie psychique de l’humanité. » (P. 239.)

On pressent que la raison, après ces prémisses, ne peut être, pour M. Sergi, cette faculté magique qui nous introduit dans le monde des réalités transcendantes, le Sésame, ouvre-toi de la métaphysique. Elle est le dernier stade de la pensée, en ce que, au lieu de consister simplement dans la perception des ressemblances et des différences qui se trouvent entre les idées, des relations en général, elle implique la connaissance de ces relations. Elle correspond au processus logique de la pensée. L’inférence est son acte propre, d’abord l’inférence du particulier au particulier, ensuite l’inférence du général au général en tant que tel. Le raisonnement porte sur deux sortes de ressemblances et de différences, deux sortes de rapports : les uns, simultanés, embrassent les caractères coexistant dans un objet et constituent le type ; les autres, successifs, unissent les apparences successives et rattachent les mouvements conséquents à leurs antécédents invariables, et constituent la loi. Mais toutes ces relations sont toujours rapportées à un espace et à un temps uniques, parce que les rapports ne sont jamais pensés à l’état de formes vides et sont des rapports d’objets réels, tels que la perception originelle les donne. En effet, en même temps que l’analyse dépouille les objets de l’expérience de leurs qualités multiples pour les penser au moyen d’une seule qualité et d’un seul nom qui en est le symbole, la synthèse ne cesse de les reconstituer dans leur totalité concrète, et ainsi l’esprit traîne après soi dans ses évolutions rapides, grâce à une habitude séculaire, le monde lui-même tel qu’il