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réduire le débiteur en esclavage, et en rendant la liberté à ceux qui s’étaient eux-mêmes faits esclaves, les lois de Solon augmentèrent beaucoup la classe des affranchis distincte de celle des esclaves. À d’autres égards, ce changement, respectant les contrats équitables, empêcha les contrats injustes par lesquels un homme, en se donnant lui-même en gage, rendait plus que l’équivalent de la somme qu’il empruntait. À mesure que diminuait le nombre des cas où existait la relation de maître à esclave, augmentait celui des cas où se faisait à l’amiable l’échange des profits. L’odieux qui s’attachait au prêt à intérêt, dont la conséquence était de réduire le débiteur en esclavage, ayant disparu, le prêt légitime passa en usage général et ne trouva plus d’opposant ; le taux de l’intérêt fut libre, et le capital accumulé rendu utile. Une autre cause auxiliaire, conséquence dont la puissance augmentait toujours, c’est l’accroissement d’une population placée dans des circonstances favorables pour agir de concert. Les gens de la ville, chaque jour en contact, pouvaient s’assimiler les idées et les sentiments les uns des autres ; on pouvait les rassembler rapidement sur un signe, et ils pouvaient coaliser leurs efforts bien plus vite que les gens éparpillés dans les districts ruraux. À tous ces résultats directs et indirects du développement industriel, il faut joindre le résultat final sur le caractère produit par l’habitude de remplir chaque jour les obligations des contrats et de les imposer, c’est-à-dire une discipline qui, en même temps qu’elle demandait à chacun de reconnaître les droits d’autrui, lui demandait aussi de faire respecter son propre droit.

Solon était un bel exemple du citoyen qui maintient des droits personnels en même temps qu’il respecte ceux d’autrui, puisqu’à l’apogée de son influence il refusa de devenir le despote de sa patrie, bien qu’il y fût poussé, et que dans sa vieillesse il exposa sa vie pour résister à une tentative d’établissement du despotisme. Par différentes voies, l’activité industrielle tendit donc à élargir la forme oligarchique primitive et à introduire un régime plus populaire. Enfin, bien que ces effets de l’industrialisme, avec le concours d’effets successivement accumulés, aient été longtemps tenus en échec par l’usurpation des Pisistratides, ils ne tardèrent pas à se révéler de nouveau après l’expulsion de ces tyrans, lorsque la révolution de Clisthènes leur permit de jouer leur rôle de cause dans l’institution du régime démocratique.

Moins puissante sans doute, mais néanmoins efficace, la même cause contribua à rendre libérale et à élargir l’oligarchie romaine. Rome « fut redevable du commencement de son importance au commerce international, » Comme Mommsen l’indique, « la distinc-