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spencer. — des gouvernements composés.

municipale…, gouvernèrent avec le pouvoir d’une aristocratie… ; le gouvernement local fut souvent une oligarchie, tandis que l’esprit des bourgeois était particulièrement démocratique. » À ces exemples, on peut ajouter celui des cantons suisses les moins propres par la conformation de leur sol à favoriser l’indépendance individuelle, qui se trouvaient en même temps engagés dans des guerres offensives aussi bien que défensives. Berne, Lucerne Fribourg, Soleure acquirent des constitutions politiques en grande partie oligarchiques ; et à « Berne, où les nobles avaient toujours possédé la prépondérance, l’administration entière était tombée dans les mains d’un petit nombre de familles, qui se transmettaient les fonctions par hérédité. »

Nous avons ensuite à noter, comme cause de la modification progressive des gouvernements composés, que, de même que les gouvernements simples, ils sont susceptibles de tomber à l’état de subordination à l’égard de leurs propres agents administratifs. Le premier exemple à citer nous présente la modification en même temps que cette subordination : c’est celui de Sparte. Les éphores, primitivement nommés par les rois pour remplir des fonctions sous leurs ordres, commencèrent par s’élever au-dessus des rois et finirent par s’élever aussi au-dessus du sénat : ce qui fit d’eux le véritable gouvernement. Nous avons encore l’exemple de Venise, où le pouvoir, jadis exercé par le peuple, passa peu à peu aux mains d’un pouvoir exécutif, dont les membres habituellement réélus, et à leur mort remplacés par leurs enfants, finirent par former une aristocratie, d’où sortit plus tard le conseil des Dix, qui, chargés à Venise du même rôle que les éphores à Sparte, « veillaient à la sécurité de l’Etat avec une puissance supérieure aux lois, » et qui, « affranchis du frein des lois, » constituaient le gouvernement réel. À travers ses nombreuses révolutions et ses changements de constitution, Florence montra les mêmes tendances. Les administrateurs nommés, seigneurie, prieurs, acquirent le pouvoir, pendant la durée de leurs fonctions, de réaliser leur projet même au prix de la suspension de la constitution ils s’assuraient le consentement forcé de l’assemblée du peuple qu’ils faisaient cerner par des hommes d’armes. À la fin, le principal agent exécutif, réélu de temps en temps pour la forme, mais en réalité inamovible, devint, dans la personne de Cosme de Médicis, le fondateur d’un gouvernement héréditaire.

Seulement, si le gouvernement composé est exposé à passer sous la domination de ses agents civils, il l’est bien davantage à devenir sujet de ses agents militaires. Il y en a des exemples depuis les temps les plus reculés, et on n’a cessé de les commenter. Bien qu’ils soient connus de tous, je veux m’y arrêter, parce qu’ils reposent sur un des