Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 11.djvu/638

Cette page n’a pas encore été corrigée
634
revue philosophique

groupes composant la confédération, de nouvelles causes d élargissement de l’oligarchie font sentir leurs effets.

Telles furent, selon nous, les origines des gouvernements composés des États grecs au début de la période historique. Dans la Crète, où survivait la tradition de la royauté primitive, mais où la dispersion et la subdivision des clans avaient produit une condition dans laquelle « diverses villes se faisaient la guerre », il y avait « des maisons patriciennes, tirant leurs droits des âges primitifs du gouvernement royal. » À Corinthe, la ligne des rois héraclides « s’épuise graduellement, sous divers noms vides de sens, pour finir dans l’oligarchie des Bacchiadès… Les personnes désignées par ce nom étaient toutes censées issues d’Hercule et formaient la caste gouvernante de la cité. » De même à Mégare. D’après la tradition, cette ville se forma de la coalition de plusieurs villages habités par des tribus parentes, qui, primitivement en lutte avec Corinthe, s’étaient probablement, dans le cours de cette lutte, fondues en un État indépendant. Au début de la période historique, la même chose arriva à Sicyone et à d’autres villes. Bien qu’à Sparte la royauté ait survécu sous une forme exceptionnelle, les représentants du roi primitif, encore révérés grâce à la tradition qui attestait leur filiation divine, n’était plus guère que des membres de l’oligarchie dirigeante, décorés de quelques prérogatives. Sans doute, il est vrai qu’à la première partie de son histoire l’oligarchie spartiate ne présentait pas la forme qui résulterait spontanément de l’union des chefs de clans pour la coopération militaire. Sans doute elle était devenue élective au sein d’une classe limitée, mais il y avait une condition d’âge qui fixait l’éligibilité à soixante ans, condition en harmonie avec la croyance que le corps gouvernant se composait primitivement de chefs des groupes, qui étaient presque toujours les fils aînés des aînés ; enfin ces groupes avec leurs chefs, qu’on disait les plus indisciplinés des Grecs à l’époque d’avant Lycurgne, devinrent un peuple uni par la vie militaire continuelle, qui était son caractère propre[1].

  1. Comme réflexion utile sur les interprétations en général, et en particulier sur celles qui sont contenues dans cet ouvrage, aux raisons que Grote et d’autres auteurs ont eues de rejeter la tradition qui fait de la constitution de Sparte l’œuvre de Lycurgue, j’en vais ajouter d’autres. Le penchant qui porte tout le monde à attribuer un effet à la cause prochaine la plus en vue révèle surtout sa force lorsque l’effet est un de ceux qui proviennent de causes obscures ; nous en avons un exemple dans l’histoire contemporaine. On attribue l’abrogation de la loi des céréales à sir Robert Peel, et après lui à MM. Cobden et Bright ; et l’on ne parle pas du colonel Thompson. Une génération plus tard, l’homme qui a quelque temps lutté tout seul, et forgé les meilleures armes avec lesquelles d’autres ont vaincu, sera un inconnu, et son nom n’éveillera plus l’idée de cette lutte. Mais il ne suffit pas de soupçonner que Lycurgue