Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 11.djvu/635

Cette page n’a pas encore été corrigée
631
spencer. — des gouvernements composés.

Aryens eux-mêmes, chez qui surtout ont pris naissance les formes les moins concentrées du gouvernement politique, peuvent être cités en exemple. Dans le principe, les différentes branches de cette race héritent en commun du caractère mental constitué à l’époque où leurs ancêtres vivaient sur l’Hindou-Kouch et dans les pays voisins ; mais elles développent plus tard des institutions différentes et les caractères qui accompagnent ces institutions. Celles qui s’étalent dans les plaines de l’Inde, où la riche fertilité du sol permet un immense accroissement de la population, et qui n’offrent que de faibles obstacles matériels à l’exercice de l’autorité, perdent leur indépendance native et ne portent pas les systèmes politiques qui fleurissent chez leurs parents occidentaux, sous l’influence de conditions favorables au maintien du caractère primitif.

Il faut donc admettre que lorsque les groupes sociaux appartenant au type patriarcal s’établissent dans des régions qui permettent un accroissement considérable de la population, mais dont la structure physique s’oppose à la centralisation du pouvoir, le gouvernement politique composé prendra naissance et se maintiendra quelque temps, grâce au concours de deux facteurs : l’indépendance des groupes locaux et la nécessité de l’union pour la guerre. Voyons quelques exemples.

L’île de Crète compte de nombreuses vallées entre ses hautes montagnes ; on y trouve d’excellents pâturages et beaucoup de positions à fortifier ; aux ruines qu’on y rencontre on voit que les anciens habitants les avaient utilisées. Il en est de même de la majeure partie de la Grèce. Un système de montagnes compliqué sépare une partie de l’autre, et rend difficile l’accès de chacune d’elles. C’est surtout dans le Péloponèse qu’il en est ainsi, et, par-dessus tout, dans la partie occupée par les Spartiates. On a remarqué que l’État qui possède les deux côtés du Taygète a les moyens de se rendre maître de la péninsule « : c’est l’acropole du Péloponèse, comme cette région est l’acropole de la Grèce. »

Lorsque les couches successives de conquérants helléniques vinrent se superposer aux premiers habitants de la Grèce, elles apportèrent avec elles le type de caractère et d’organisation commun aux aryens. Ce peuple, en prenant possession de cette terre, s’émietta inévitablement avec le temps « en autant de clans indépendants que le pays offrait de régions séparées par les ramifications de ses montagnes. » La séparation les rendit étrangers les uns aux autres, et par suite ennemis. Aux premiers siècles de l’histoire grecque, les clans occupant les villages situés dans les montagnes étaient tellement exposés aux excursions de leurs voisins que c’était perdre son