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spencer. — des gouvernements composés.

Cependant, ce qui nous occupe en ce moment, c’est d’établir que l’existence continue de l’un ou de l’autre système de conditions donne à l’homme un caractère auquel s’adapte ou bien l’organisation politique centralisée ou l’organisation politique diffuse. Une race qui vit de longues générations dans une région où le pouvoir despotique a pris naissance, prend un caractère adapté à ce régime, en partie par suite de l’habitude quotidienne et en partie par la survie des individus les plus propres à vivre sous ce régime. Au contraire, dans une région favorable à l’indépendance des petits groupes, on voit se fortifier d’âge en âge les sentiments de résistance à la contrainte, puisque non seulement les efforts tentés de temps en temps pour subordonner ces groupes y entretiennent ces sentiments, mais qu’en général ceux qui résistent le plus opiniatrément sont ceux qui, demeurant indépendants et transmettant leurs caractères à leur postérité, déterminent le caractère de la tribu.

Après avoir passé en revue les effets des facteurs externes et internes, tels qu’ils agissent dans les tribus simples, nous comprendrons comment ils concourent lorsque, par migration ou autrement, ces tribus rencontrent des circonstances favorables à la croissance de grandes sociétés.

On ne saurait mieux commencer cette explication que par l’exemple d’une peuplade sauvage de ce genre où l’on a pu voir à une époque récente ce qui se passe quand les conditions sont favorables à l’union de petits groupes en un grand.

Les nations des Iroquois, composées chacune de plusieurs tribus jadis en guerre, eurent à se défendre contre les envahisseurs européens. Pour que les cinq nations, qui furent six à la fin, combinassent leurs efforts dans ce but, il fallut qu’elles se reconnussent les unes aux autres des pouvoirs égaux, puisque l’alliance n’eût point été acceptée si les unes avaient exigé la soumission des autres. Les groupes coopéraient dans l’idée que leurs « droits, privilèges et obligations » resteraient les mêmes. Bien que le nombre des sachems à vie et héréditaires nommés par chaque nation pour former le grand conseil fût différent, les diverses nations y avaient le même nombre de voix. Sans parler des détails de l’organisation, nous remarquerons d’abord que pendant un grand nombre de générations, en dépit des guerres que cette ligue soutint, sa constitution demeura stable ; personne ne s’éleva au rang suprême ; et ensuite qu’à côté de l’égalité de pouvoir entre les groupes existait l’inégalité dans chaque groupe : le peuple ne participait pas à son gouvernement.

Cet exemple nous fournit la clef de la genèse de ces gouvernements