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blissement du monopole au pouvoir. Le gouvernement appartenait à un conseil électif d’anciens qui nommaient un chef de guerre ; et lorsque ce chef de guerre encourait le soupçon de comploter contre le salut de la république, ou dans le but de s’assurer le pouvoir suprême, le conseil le mettait à mort.

Sans doute les particularités de caractère qui mènent ainsi certaines races à produire dans le principe des organes d’autorité composés, et à s’opposer même, sous la pression de la guerre, à l’élévation d’une autorité politique simple, sont natives ; mais nous ne sommes pas dépourvus de moyens de découvrir les circonstances qui les ont faites natives. Il est utile d’y jeter un coup d’œil pour voir comment on peut les interpréter. Les Comanches et les Indiens des tribus de même race, errant en petites troupes, actifs et habiles cavaliers, ont durant longtemps vécu de telle sorte qu’il était difficile à un homme d’exercer une contrainte sur un autre. Il en a été de même, mais pour une autre raison, chez les Nagas. « Ils habitent une région montagneuse, âpre et impénétrable ; » et leurs villages sont perchés « sur la crête des rochers ». Ajoutons un fait très significatif que nous fait connaître une remarque du capitaine Burton en Afrique comme en Asie, il y aurait, d’après lui, trois formes de gouvernement nettement accusées, des régimes militaires despotiques, des monarchies féodales, et des républiques grossières : celles-ci sont formées « par les tribus des Bédouins, les peuplades montagnardes et celles des jungles ». Évidemment, les noms de ces dernières montrent qu’elles habitent des régions dont les caractères physiques ne permettent pas l’établissement d’un gouvernement centralisé et favorisent celui d’un gouvernement plus diffus, ainsi que la subordination politique moins prononcée qui l’accompagne.

Ces faits sont évidemment en rapport avec certains autres faits dont il faut les rapprocher. Nous avons vu qu’il est relativement facile de former une grande société quand le sol qu’elle occupe est de ceux dont toutes les parties sont très accessibles et sont entourées de barrières qui laissent difficilement échapper ; nous avons vu aussi, par contre, que la formation d’une grande société se trouve empêchée ou grandement retardée, lorsque sur le sol qu’elle occupe les communications sont difficiles et qu’il est facile de s’en échapper. Mais, comme nous le voyons maintenant, ce n’est pas seulement l’intégration politique sous l’aspect primitif d’une masse qui s’accroît qui empêche les conditions physiques que nous venons de rappeler, c’est encore le développement d’une forme plus intégrée de gouvernement. Ce qui empêche la consolidation sociale, empêche aussi la concentration du pouvoir politique.