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spencer. — des gouvernements composés.

chef nominal qui paye en leur nom l’impôt, mais il est sans pouvoir, et c’est « un jury d’anciens qui tranche les disputes ». Dans ces exemples., on peut remarquer à la fois que les causes favorables à la suprématie d’un chef manquent, et que celles qui l’empêchent existent. Les Papous en général, dont les Alfarous cités déjà sont le type, sont, d’après Modera, Ross et Kolff, bienveillants et d’un naturel doux ; mais en même temps, d’après Earl, ils sont impropres à la vie militaire : « leur impatience de l’autorité leur interdit absolument l’organisation qui les mettrait en état de se défendre contre tout empiètement. » Les Bodos et les Dhimals, qui « ne commettent aucune violence les uns envers les autres, ni contre leurs voisins, » résistent avec une obstination opiniâtre aux injonctions déraisonnables. — « Une peuplade vraiment séduisante qui appartient à la même race, les Lepchas, que les voyageurs sont unanimes à nous représenter comme doux, paisibles, bons, et qui ne prennent jamais de service comme soldats, « subissent, nous dit-on, de grandes privations plutôt que de se soumettre à l’oppression ou à l’injustice. »

Partout où la tendance native à la résistance se montre forte, l’organisation politique décentralisée se maintient, en dépit du régime militaire, qui a pour effet de donner naissance à la constitution du gouvernement par un chef. Les Nagas « ne reconnaissent pas de roi chez eux et rient à l’idée qu’il en existe chez d’autres » ; leurs « villages sont en guerre perpétuelle » : « chacun y est son propre maître, ses passions et ses penchants obéissent à ce qu’il possède de force brutale. Nous savons encore que « les petites disputes et les désaccords de peu d’importance sur la propriété sont réglés par un conseil d’anciens, à l’arbitrage duquel les parties se soumettent. Seulement, pour parler correctement, il n’existe pas chez les Nagas l’ombre d’une autorité constituée, et, si étrange que cela paraisse, ce défaut de gouvernement ne produit pas une anarchie et une confusion marquées. » Pareillement, chez les peuples d’un type bien différent, tels que les tribus belliqueuses de l’Amérique du Nord, Schoolcraft dit des Indiens en général qu’ils « veulent tous gouverner et ne pas être gouvernés. Tout Indien se croit le droit de faire ce qui lui plaît et pense que personne ne vaut mieux que lui, et il se battra avant de céder sur ce qu’il juge bon de faire. » II remarque, par exemple, que, chez les Comanches, « le principe démocratique est profondément enraciné, » et qu’on « tient des assemblées publiques à des intervalles réguliers durant l’année » pour régler les questions de gouvernement. Dans certaines régions de l’Amérique centrale, il existait autrefois des sociétés un peu plus avancées, qui, bien que belliqueuses, s’opposaient par l’effet d’une jalousie naturelle à l’éta-