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DES GOUVERNEMENTS COMPOSES[1].



Dans l’article précédent, où nous nous sommes occupés des chefs et des rois, nous avons suivi le développement du premier élément de l’appareil triple et un que nous voyons partout apparaître au début des sociétés. Nous allons examiner le développement du second élément, c’est-à-dire du groupe des hommes dirigeants du nombre desquels le chef est, au début, tout simplement le plus éminent. Nous allons rechercher les conditions sous lesquelles cet élément se développe au point de se subordonner les deux autres, les causes qui en restreignent le cercle, et celles qui l’élargissent jusqu’à ce que le second élément se confonde avec le troisième.

Si les sentiments et les aptitudes intimes d’une race contribuent largement à déterminer la grandeur et la cohésion des groupes sociaux, ils contribuent encore plus puissamment à déterminer les relations qui s’établissent entre les membres de ces groupes. Si la manière de vivre adoptée a pour effet d’engendrer telle ou telle structure politique, le résultat se trouve toujours compliqué par les effets du caractère héréditaire. La question de savoir si l’état primitif où le pouvoir dirigeant est également réparti entre tous les guerriers ou tous les anciens, passe ou non à l’état où le pouvoir dirigeant devient le privilège exclusif d’une seul, cette question dépend en partie de la vie que mène le groupe, déprédatrice ou pacifique, et en partie du caractère de ses membres qui les porte à résister plus ou moins opiniâtrément à une domination usurpatrice. Quelques faits vont jeter la lumière sur cette idée.

Les Alfarous (insulaires Papous), qui « vivent en paix et s’aiment comme des frères », ne reconnaissent d’autre « autorité chez eux que celle des décisions de leurs anciens. » Chez les inoffensifs Todas, « toutes les disputes et les questions de bien et de mal sont réglées par arbitrage ou par un conseil de cinq membres (punchayet). » Les Bodos et les Dhimals, qu’on dit rebelles au service militaire, et « tout à fait exempts d’arrogance, d’esprit de vengeance, de cruauté, de fierté, » ont bien à leur tête dans chacune de leurs petites tribus un

  1. Voir le numéro d’avril de la Revue.