Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 11.djvu/587

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
583
g. guéroult. — du rôle du mouvement

pose, répandu dans tout l’univers et jusque dans l’intervalle des molécules des corps, une sorte de fluide capable d’entrer en vibrations comme la corde ébranlée par l’archet, ou, plus exactement, comme l’eau d’un bassin dans lequel on jette une pierre. De ces vibrations, les unes, plus lentes, sont recueillies exclusivement par le sens du toucher qui les transforme pour nous en sensations de chaleur ; les autres, plus rapides, sont recueillies par la membrane du fond de l’œil qui nous les transmet à l’état de sensations lumineuses. Mais l’œil fait mieux encore ; il arrive à distinguer différents degrés dans ces vitesses prodigieuses. Suivant que la rapidité des ondulations extérieures varie entre certaines limites, nos sensations lumineuses présentent des qualités différentes que nous appelons couleurs. La sensation de rouge correspond aux ondulations les plus lentes, la sensation de violet correspond aux ondulations les plus rapides qu’il nous soit donné de percevoir sous forme de sensations lumineuses. Il serait absolument incorrect de dire la perception de la couleur. La couleur est une sensation pure, au même titre qu’une saveur ou une odeur. Supposez placé devant vos yeux un carreau de vitre devenant successivement bleu, jaune, vert, rouge, ces changements feront, sans doute, naître en vous la pensée de changements corrélatifs s’opérant dans le monde extérieur, mais ils n’éveilleront aucune idée de mouvement[1]. Les hommes voient les couleurs depuis que l’humanité existe, et ce n’est que depuis soixante ans tout au plus que les savants soupçonnent la cause extérieure véritable de ces états sensoriels qui s’appellent le rouge, le vert, le violet. Ces considérations sur la couleur trouveront plus bas leur application. Arrivons aux arts qui relèvent du sens de la vision, aux arts plastiques.

SECTION I
des beaux-arts qui relèvent de la vision.
1o Architecture.

L’architecture est un art éminemment expressif ; il est impossible de regarder le Colisée de Rome ou les Arènes de Nîmes, la façade de Notre-Dame de Paris, de Reims, de Strasbourg ou l’intérieur de l’église Saint-Ouen à Rouen, sans éprouver une émotion tout à fait

  1. Pour la raison signalée dans le premier paragraphe de cette étude. Les sensations de rouge, vert, bleu, etc., sont de même ordre ; elles ne sont pas de même nature. Aucune comparaison, aucune mensuration n’est pas possible entre elles.