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g. guéroult. — du rôle du mouvement

sœurs, toutes filles de Jupiter et de Mnémosyne. Il a semblé intéressant de rechercher ici sous quelle forme cette conception, éternellement juste, pouvait être présentée aujourd’hui, et de déduire quelques-unes des conséquences de cette parenté entre les beaux-arts. au double point de vue de la pratique et de la critique.

§ 1. — Du mouvement.

Le mouvement est un cas particulier d’un phénomène plus général, le changement. On peut le définir un changement mesurable, ce qui implique les conditions suivantes :

En premier lieu, un ensemble de repères fixes ou supposés tels, servant à constater les différences des états successifs avec l’état initial du système considéré. Le mouvement de la terre qui nous entraîne n’existe pas pour nous, au moins sous forme de perception sensorielle, faute de cette condition nécessaire.

En second lieu, dans la pensée de l’observateur, un élément constant, identique à lui-même au moins pendant les différentes phases du mouvement, et faisant office de comparateur. Ceci est une condition essentielle de tout changement. Si les lettres A, B, C se présentent plus tard dans l’ordre C, B, A, je ne puis constater la modification survenue qu’à la condition que l’état A, B, C et l’état C, B, A coexistent en quelque sorte dans mon intelligence, qui les compare. au moyen de quelque chose qui n’a pas changé en elle.

En troisième lieu enfin, — ceci est la condition même de la possibilité de la mesure — il faut que, pendant toute la durée du phénomène, le système conserve la même nature ; on ne peut mesurer, c’est-à-dire comparer entre elles, que des quantités de même espèce ; toute équation non homogène se décompose, comme on sait, en un certain nombre d’équations homogènes. Si donc il se produit une modification dans la nature des sensations qui se suivent en nous, si, à des sensations visuelles succèdent des sensations auditives, olfactives, sapides, des sensations de résistance, ou inversement, il y a changement, il n’y a pas un mouvement ; il peut y avoir plusieurs mouvements distincts et simultanés.

De tout temps, on a pu dire les mouvements de l’âme, parce que nos idées, nos sentiments, nos passions, sont des quantités, ou, si l’on aime mieux des éléments qui ont au moins une commune mesure, savoir le moi qu’ils affectent.

Un mouvement est d’autant plus parfait pour nous que la mesure, la comparaison des sensations successives qui le composent est plus facile, plus nette, plus précise, plus complète.