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ANALYSESmac cosh. — The Emotions.

contemporaine. Que dirait-on d’un naturaliste qui, appelé à dresser un tableau systématique des espèces, laisserait de côté les documents de la géologie, les vues théoriques de la biologie moderne ? « Il est impossible de traiter des émotions d’une façon complète en les acceptant comme des faits accomplis et en les classant d’après les caractères qu’elles offrent chez un adulte de culture moyenne. La méthode introspective ne sert à rien et ne donne aucun espoir de succès, car elle nous force à aborder d’emblée le résultat complexe d’un développement avancé, au lieu de commencer par la genèse de l’émotion et d’en suivre l’évolution pas à pas. Dans la classification du règne animal tout le monde reconnaît que la seule méthode sûre pour déterminer les vrais rapports entre différents animaux, consiste à étudier le plan de leur développement embryologique ; il en est de même des phénomènes psychiques : la seule manière de les bien interpréter consiste à en analyser l’évolution. » (Maudsley.)

La classification des émotions adoptée par M. Mac Cosh se ressent des défauts du plan général. L’auteur distingue les émotions relatives à des objets animés et les émotions déterminées par des objets inanimés : il divise les premières en émotions rétrospectives, immédiates, et représentatives de l’avenir (prospective émettons). Ce mode de division d’après la nature des objets ou d’après les rapports du temps estil bien naturel et rigoureux ? L’ouvrage se termine par un chapitre de sociologie générale, où M. Mac Cosh a bien fait d’étudier l’influence des émotions sur les foules, leur mode de propagation, leur action inconsciente sur les individus. La question ne fera que grandir en importance avec les recherches de plus en plus actives de la psychologie des peuples.

Avant de prendre congé de M. Mac Cosh, c’est un devoir et un plaisir pour nous de signaler en particulier un instructif chapitre de son livre sur l’association des émotions. Le problème est celui-ci : Y a-t-il une association propre, directe, entre nos sentiments, ou bien le fait d’association s’applique-t-il exclusivement aux idées ? La plupart des psychologues anglais, Lewes, Maudsley, Bain, qui admettent l’unité consubstantielle de la trinité psychique, désir, idée, action ou volition, ne seraient point embarrassés de répondre. Encore est-il curieux de savoir si les lois d’association des émotions coïncident entièrement avec les lois d’association des idées, et s’il n’y aurait pas à reconnaître ici l’action de causes ou de conditions définies peut-être régulatrices de toute notre vie spirituelle. La psychologie expérimentale a démontré que les émotions, dans beaucoup de cas, naissent des disposions ou des transformations de l’organisme, s’appelant les unes les autres suivant les rapports de sympathie physiologique des organes. C’est de là que résulte ce qu’on a appelé le « ton émotionnel » de l’individu, la « tonalité psychique des centres nerveux supérieurs », sujette à varier en concordance avec les modifications faibles ou profondes de l’organisation. L’impulsion initiale de quelques émotions violentes, la couleur générale de nos sentiments viennent de là.