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ANALYSESmac cosh. — The Emotions.

tomac… Certaines émotions, comme une frayeur subite, augmentent l’action péristaltique, au lieu que l’anxiété et la tristesse la diminuent. Les chagrins de toute sorte, la sympathie, la pitié, agissent sur les viscères intestinaux. Toutes les passions violentes sont capables d’entraîner un tremblement des muscles : c’est spécialement le cas de toutes les formes extrêmes de la peur, de la terreur, du désespoir, et aussi bien de la colère ou même de la joie. L’activité du cœur est accrue par la colère. Dans la crainte, le sang ne circule plus avec son énergie habituelle. »

Il y a là certes, et ailleurs encore, un grand nombre de précieuses remarques dont M. Mac Cosh a voulu avec raison faire bénéficier le lecteur. Ce qui nous étonne, c’est qu’un philosophe aussi exercé n’ait point senti que ces observations exactes, loin de rester isolées et comme sans lien entre elles, demandaient à être systématiquement rattachées à une explication causale, à une doctrine génétique des émotions. On ne saurait nous objecter sérieusement les difficultés très réelles de l’entreprise. Eu fait cette théorie vraiment scientifique des émotions, bien que non encore fixée, a tenté des savants nombreux de notre époque, physiologistes et psychologues : il suffit de rappeler les essais de Bain, Maudsley, Lélut, Luys, Ci. Bernard et divers. On peut dire que des matériaux en foule ont été amassés par la science comtemporaine, et qu’il est devenu nécessaire, indispensable de commencer la construction de l’édifice sur des fondements nouveaux.

Si l’on se prive de ces ressources, de ce fil directeur, dû à la recherche positive, on est presque infailliblement exposé à ne donner qu’une peinture superficielle des faits, à tout emprunter aux moralistes, aux poètes, aux littérateurs de tout rang. Personne n’osera dire que ce soit là une manière philosophique de traiter le problème : on glane où d’autres ont déjà fait la moisson. Le talent de l’écrivain, comme ici, trouve certes encore sa place : l’avancement de la science psychologique voudrait une conception plus profonde, plus hardie et plus entreprenante.

Cette conception fondamentale, il n’est point nécessaire de la chercher bien loin. Descartes l’a esquissée de son mieux dans le curieux Traité des passions : la première partie, relativement considérable, n’est qu’un chapitre de physiologie, qui rappelle malgré les différences la méthode de Spencer au début de ses Principes de psychologie. « Mon dessein, écrivait Descartes (lettre datée d’Egmont, 14 aout 1649), n’a pas été d’expliquer les passions en orateur, ni même en philosophe moral, mais seulement en physicien. » C’est l’idée qu’il conviendrait de reprendre aujourd’hui, et d’exécuter avec le concours des physiologistes. Les sensations inconscientes, les suggestions instinctives, habituelles, ou automatiques, les influences organiques exercent une trop grande action sur le développement, la formation, le caractère et le degré de nos émotions pour qu’il soit possibles avec les seuls moyens de l’observation subjective d’en donner une analyse acceptable. Faute d’avoir commencé par l’étude de ces conditions générales des émotions,