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-mêmes. De leurs déclarations et des résultats de la statistique, nous verrons se dégager nettement cette conclusion que la prison, cette sanction principale de la loi moderne, est un établissement excessivement coûteux, servant uniquement à rendre bien plus dangereux qu’ils ne l’étaient d’abord les individus qui y sont entrés pour quelque temps. « Là où il y a une prison, écrivait il y a quelques années M. Moreau Christophe, inspecteur général des prisons, il y a une association, de telle sorte que la main de la justice, couvrant pour ainsi dire et enveloppant tout le pays d’un immense réseau dont chaque maille est une prison, il s’ensuit que nos 3 bagnes, nos 20 maisons centrales, nos 362 maisons d’arrêt, joints aux prisons municipales de nos 2 800 cantons et aux chambres de sûreté de nos 2 238 casernes de gendarmerie, sont autant de clubs antisociaux, autant de repaires de malfaiteurs, autant de réunions publiques de condamnés, de prévenus, d’accusés, de mendiants vagabonds, d’assassins, de voleurs, de prostituées qui s’associent de toutes parts entre eux par les liens de la solidarité du crime. »

Actuellement, nous enfermons plus de cent mille individus[1] Ils sortent des prisons sans autre occupation possible que de conspirer contre la société, y propager leurs vices et corrompre ceux qui les entourent par leur funeste exemple. « Si, prenant une période de dix ans, écrivait un président de la Cour de cassation, M. Béranger, on additionnait le nombre de détenus qui se succèdent chaque année dans nos prisons, on trouverait que plus d’un million d’habitants sont venus s’y plonger plus avant dans le crime, et que leur seul entretien a coûté à l’État au delà de cent trente millions. »

Depuis que ces lignes ont été écrites, rien n’est venu en modifier l’inquiétante justesse. Le nombre des individus emprisonnés est devenu plus grand, et la somme qu’ils coûtent a presque doublé. Quant aux récidives, elles croissent avec une rapidité considérable, comme le prouve le tableau suivant :

Nombre des accusés en récidive condamnes en cour d’assises et par les tribunaux correctionnels en France.


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Années Nombre des récidtvistes

condamnes.

1872 59 076
1873 63 469
1874 70 806
1875 69 809
1876 70 257
1877 72 733
  1. En 1877, 105,123 sujets ont été condamnés à la prison en police correctionnelle, 3,500 environ ont été condamnés en cour d’assises, à la réclusion, à la prison ou à la mort ; 1,000 environ ont été envoyés au bagne.