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charpentier. — philosophes contemporains

avons annoncé que M. Cournot emploie souvent une autre méthode, peut-être encore plus originale et plus féconde.

Cette méthode a été parfaitement décrite dès 1838 dans la préface d’un petit ouvrage intitulé Recherches sur les principes mathématiques de la théorie des richesses. Ce livre, qui du reste n’a eu aucun succès, est une des œuvres les plus intéressantes de l’auteur. M. Cournot dit :

« Le titre de cet ouvrage n’annonce pas seulement des recherches théoriques, il indique aussi que j’ai l’intention d’y appliquer les formes et les symboles de l’analyse mathématique : or c’est là, je le confesse, un plan qui doit m’attirer tout d’abord la réprobation des théoriciens accrédités… Les auteurs spéciaux dans ces matières semblent s’être fait une idée fausse de la nature des applications de l’analyse mathématique à la théorie des richesses. On s’est figuré que l’emploi des signes et des formules ne pouvait avoir d’autre but que celui de conduire à des calculs numériques ; et, comme on sentait bien que le sujet répugne à cette détermination numérique des valeurs d’après la seule théorie, on en a conclu que l’appareil des formules était, sinon susceptible d’induire en erreur, au moins oiseux et pédantesque. Il y a des auteurs, tels que Smith et Say, qui ont écrit sur l’économie politique en conservant à leur style tous les agréments de la forme purement littéraire ; mais il y en a d’autres, comme Ricardo, qui, abordant des questions plus abstraites ou recherchant une plus grande précision, n’ont pu éviter l’algèbre, et n’ont fait que la déguiser sous des calculs arithmétiques d’une prolixité fatigante. Quiconque connaît la notation algébrique lit d’un clin d’œil dans une équation le résultat auquel on parvient péniblement par des règles de fausse position dans l’arithmétique de banque.

« Je me propose d’établir dans cet essai que la solution des questions générales auxquelles donne lieu la théorie des richesses dépend essentiellement non pas de l’algèbre élémentaire mais de cette branche de l’analyse qui a pour objet des fonctions arbitraires, assujetties seulement à satisfaire à certaines conditions. »

Nous avons dit ce qu’entend M. Cournot par une loi de la nature Une loi n’est pas autre chose qu’un rapport mathématique constant entre les valeurs correspondantes de grandeurs variables. On voit qu’ici une loi économique est tout à fait analogue à une loi physique. Elle doit être recherchée par les mêmes procédés analytiques et exprimées par les mêmes symboles mathématiques. M. Cournot a fait application de sa méthode dans deux ouvrages spéciaux[1]. Il a mani-

  1. Le premier est intitulé Recherches sur les principes mathématiques de la théorie des richesses ; le second, Principes de la théorie des richesses.