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titre d’hypothèse que l’orbite de la planète est une ellipse. Si l’on détermine par l’observation un grand nombre de nouvelles positions de la planète et si l’on reconnaît ensuite que tous les points nouveaux ainsi déterminés sont toujours sur la même ellipse, l’hypothèse primitive sera bientôt tellement confirmée qu’on pourra la regarder comme une loi de la nature, c’est la première des lois de Képler.

Ce qu’il faut soigneusement remarquer ici, c’est la nature du principe qui conduit l’esprit dans la série des opérations que nous venons d’indiquer. Supposons dix positions de notre planète données par l’observation. Il est facile de démontrer-mathématiquement que par ces dix points on peut faire passer une infinité de courbes définies géométriquement. Quelle raison avons-nous pour choisir parmi toutes ces courbes précisément l’ellipse, pour en faire au moins provisoirement et par hypothèse l’orbite de notre planète ? Une seule raison c’est que, de toutes les courbes supposables, l’ellipse est la plus simple. Mais que nous ayons, donnés par l’observation, 10 points ou 100 ou 1,000 ou 1,000,000, la situation en un sens est toujours la même. Quel que soit le nombre des points donnés, il est toujours possible par ce nombre de points de faire passer une infinité de courbes. Si l’ellipse se trouve toujours être une de ces courbes, nous aurons d’autant plus de raison de la prendre pour la vraie orbite que le nombre des points observés aura été plus considérable. Car les courbes devenant d’autant plus compliquées qu’elles sont assujetties à passer par un plus grand nombre de points et l’ellipse demeurant toujours la même, sa simplicité relative deviendra en quelque sorte d’autant plus grande que le nombre de nos points observés aura été lui-même plus considérable. On voit donc que le principe du déterminisme des lois de la nature ne suffit pas pour expliquer la vraie induction. Il faut qu’à ce principe vienne s’en joindre un autre, que nous essayerons de formuler de cette façon : de toutes les lois qui peuvent expliquer un phénomène naturel, la plus simple est la vraie. C’est ainsi que le principe général de l’ordre, sous une forme particulière, se trouve être un des fondements de la théorie même de l’induction. Mais on peut compléter ces observations en montrant qu’une loi qui exprime le comment d’un phénomène ne peut donner la raison complète de l’existence de ce même phénomène. Ici encore, on remarquera avec quelle sagacité M. Cournot sait tirer de considérations purement mathématiques les conséquences philosophiques les plus intéressantes.

Supposons qu’il ait été établi par des observations convenablement dirigées que, quand un corps tombe, sa vitesse croît proportionnel-