Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 11.djvu/503

Cette page n’a pas encore été corrigée
499
charpentier. — philosophes contemporains

chefs principaux : la théorie de la certitude et la définition du hasard.

Quand il étudie la question de la certitude, M. Cournot ne s’écarte jamais de ce qu’on pourrait appeler le point de vue pratique du savant. Pour lui, la certitude est un fait nous sommes certains que les trois angles d’un triangle sont égaux à deux droits, c’est un fait nous ne sommes pas certains qu’il fera beau ce soir, c’est un fait. Cela posé, le problème à résoudre est celui-ci Dans quels cas la certitude se produit-elle, et quelles sont les conditions de sa production ?

C’est un fait que la certitude est un état d’esprit qui ne comporte pas de degrés ; tandis que le doute, qui s’oppose à la certitude, comporte des degrés à l’infini. C’est encore un fait que nous pouvons, avec plus ou moins d’exactitude, apprécier le degré d’un doute. Maintenant, qu’est-ce que la probabilité ? Supposons un groupe d’événements possédant tous la caractéristique commune A supposons dans le groupe des événements A un autre groupe d’événements présentant la caractéristique commune B. Si nous pouvons, par un moyen quelconque, déterminer le rapport du nombre des événements B au nombre des événements A, ce rapport sera la probabilité mathématique de l’apparition d’un événement B. S’il y a dans une urne dix boules et si neuf de ces boules sont blanches, 9/10 sera la probabilité mathématique qu’une boule prise au hasard dans l’urne se trouvera blanche. La probabilité mathématique ainsi définie mesure-t-elle le degré du doute ? Bien des auteurs l’ont pensé un écrivain anglais d’une très grande autorité dans les matières de ce genre, M. J. Venn, a établi le contraire. Ce qui est certain, c’est que la probabilité mathématique est un des éléments qui nous servent à apprécier le degré du doute. Quoi qu’il en soit, c’est une tendance commune à tous les mathématiciens de ne jamais considérer d’autre probabilité que la probabilité mathématique. Un des grands mérites de M. Cournot est d’avoir reconnu qu’il existe à côté de la probabilité mathématique une autre probabilité qu’il a nommée philosophique. Supposons que nous trouvions dans des mémoires inédits l’indication d’un fait important, mais tout à fait inconnu du règne de Louis XIV ; comment apprécierons nous ce fait ? Nous le regarderons simplement comme probable, et nous porterons sur la valeur de sa probabilité un jugement plus ou moins exact. Cette probabilité nous paraîtra d’autant plus grande que le fait s’accordera mieux avec c& que nous savons du caractère de Louis XIV et des traits généraux de sa politique. C’est d’ailleurs par une méthode analogue que nous formons tous les jugements qui dirigent notre