Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 11.djvu/499

Cette page n’a pas encore été corrigée
495
charpentier. — philosophes contemporains

vrages de M. Cournot ; ceux qui veulent connaître ces ouvrages peuvent les lire ; ils seront payés de leur peine. Nous voudrions exposer la philosophie de M. Cournot. Cette philosophie vaut ce qu’elle vaut ; mais, à coup sûr, elle n’est pas vulgaire : elle n’est pas absolument originale, mais elle est originale ; elle est hardie ; elle est sensée ; elle mérite d’avoir place dans l’histoire de la philosophie contemporaine ; elle apportera des lumières singulièrement vives à ceux qui sauront la pénétrer.

Le système dont nous parlons, car nous parlons d’un système, se trouve développé dans trois grands ouvrages l’Essai sur les fondements de nos connaissances et sur les caractères de la critique philosophique, Paris, 1851, travail tout analytique et critique, dans lequel l’auteur discute, avec autant de sagacité que d’indépendance, la plupart des questions et des doctrines qui occupent la philosophie contemporaine ; le Traité de l’enchaînement des idées fondamentales dans les sciences et dans l’histoire, Paris, 1861, qui présente dans un ordre synthétique l’ensemble des idées de l’auteur ; les Considérations sur la marche des idées et des événements dans les temps modernes, Paris, 1872, qui n’est qu’une sorte de démonstration historique des vérités que les deux précédents ouvrages avaient exposées suivant une méthode purement logique.

À la rigueur, ces trois ouvrages se suffiraient à eux-mêmes et suffiraient aussi pour faire connaître leur auteur. Mais, encore un coup, ce n’est pas l’auteur que nous étudions, c’est sa doctrine. Cette doctrine, pour être complètement connue, doit être saisie dans son principe, et ce principe consiste dans une conception sinon nouvelle au moins très élevée des mathématiques considérées dans leur nature intime et pour ainsi dire dans leur essence. Voilà donc le point qu’il faut éclaircir avant tout. L’entreprise n’est pas aisée ; mais, si nous pouvons réussir, tout le reste s’arrangera de soi-même, comme dans un tableau qui ne manquera ni d’harmonie ni de grandeur.

I


Descartes, auquel il faut toujours remonter, quand on étudie des questions de ce genre, n’a pas seulement inventé des sciences nouvelles, il a constitué les mathématiques en général. Il l’a fait d’abord en appliquant l’algèbre à la géométrie ; ensuite et surtout en concevant une science nouvelle supérieure, en généralité non seulement à la géométrie, mais à l’algèbre elle-même :