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darmesteter. — les cosmogonies aryennes

et s’être développée après la séparation des deux branches. Un fait cependant défend de poser cette conclusion en termes absolus et définitifs : c’est qu’il y a en Europe une mythologie qui a connu une conception du même ordre : celle des Celtes. Les druides d’Irlande, avant le christianisme, enseignaient qu’il y avait eu au début trois druides qui créèrent le ciel, la terre, la mer, le soleil, la lune et le reste du monde[1]. Ces trois druides sont antérieurs aux dieux, et c’est du ciel et de la terre par eux créés que sont nés les dieux.

Ces druides créateurs, avant d’appartenir à la race humaine, ont été évidemment des druides célestes, des dieux-druides, des frères de Brahmanaspati, de celui qui plus tard devint Brahma[2]. Les textes malheureusement ne nous disent pas par quel procédé ils ont créé si par le sacrifice ou par la parole. En tout cas, cette simple formule prouve que l’univers celtique, comme l’univers indien ou iranien, pouvait sortir à ses heures des forces mystiques du culte.

Conclusion.


§ 40. Les diverses cosmogonies que nous avons passées en revue, à quelque ordre qu’elles appartiennent, naturaliste ou mystique, ne résolvaient[3] qu’une partie du problème d’origine, à savoir cette question : D’où vient le monde ? Il y avait une autre question que les Aryens s’étaient posée, plus anciennement même[4], à savoir : D’où vient l’ordre du monde ? J’ai essayé ailleurs[5] de montrer comment l’omniprésence et l’éternité visible du dieu du ciel, qui enveloppe le monde et le fait mouvoir dans son sein suivant un ordre immuable,

  1. D’Arbois de Jubainville, Esquisse de la mythologie irlandaise, p. 1 (d’après le Senchus Mòr, Ancient laws of Ireland, I, 22).
  2. Plus tard, les controversistes chrétiens imaginèrent un philosophe antérieur à saint Patrice, « Caei aux beaux jugements, qui aurait le premier contesté cette doctrine druidique. Vous avez, prétendez-vous, créé le soleil, et vous l’avez mis au sud, disait-il aux druides ; eh bien ! pour nous prouver votre puissance, essayez de mettre le soleil au nord, et si vous réussissez, nous vous croirons. » (D’Arbois de Jubainville, l. l., 2.)
  3. Expression impropre à cette période du développement intellectuel, la pensée ne se pose point de problèmes, elle les résout tout d’abord, et c’est la solution qui peu à peu éveille la question.
  4. Plus anciennement ; comme le prouvent l’unité, la précision et l’identité parfaite de la solution dans les diverses mythologies. On est là en présence d’une idée arrêtée et bien définie qui est le fond de la religion indo-européenne. Quand l’unité aryenne se brisa, la cosmologie était moins avancée, les éléments existaient déjà, mais le choix n’était point fait : on a des formules cosmologiques indo-européennes ; on n’a pas une cosmologie.
  5. L. I., page 451, note 1.