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établi les curieuses expériences de Schneider. Le sentiment et la représentation sont donc toujours associés dans la conscience. Il n’y a pas de sentiment absolument premier et simple : tout est comparaison, contraste, relation dans la sensibilité. Comme dit Hobbes, sentire semper idem et non sentire, ad idem rectdunt (De corpore, ch. XXV). Et la perception des rapports est un acte de l’intelligence. Les sentiments ne se distinguent les uns des autres que par les idées qui leur sont associées. Le rappel des sentiments est subordonné à celui des idées qui les accompagnent et le sentiment dépend étroitement du souvenir. On peut même aller jusqu’à dire avec un ingénieux observateur : « La douleur si rapide, qu’on n’en conserve pas de souvenir, n’est rien… Ce qui fait la cruauté de la douleur, c’est moins la douleur elle-même, si intense qu’elle soit, que le retentissement pénible qu’elle laisse après elle. » (Richet.) C’est ainsi que les patients, qu’on a endormis par le chloroforme, poussent des cris de douleur pendant l’opération, et déclarent au réveil qu’ils n’ont rien senti, parce que la souffrance n’a pas laissé de traces dans leur mémoire. Si l’intelligence est si nécessaire à la sensibilité, l’influence du sentiment sur la pensée n’est pas moins profonde. Il aveugle le jugement sur les conséquences logiques d’une proposition et le détourne de tout ce qui ne l’intéresse pas ; il nous fait prendre les pressentiments, les mensonges, les illusions, qui le flattent, pour les données mêmes de la réalité, pour de véritables perceptions.

Radestock : Schlaf und Traum (Sommeil et songe). Leipzig, Breit. kopf und Härtel. 1879.

Le livre de Radestock est dédié à Wundt, et s’inspire des principes et de la méthode de ce psychologue. Pourtant l’étude qui nous est présentée est beaucoup moins physiologique qu’elle ne le promet. Radestock proclame, à la suite de Lange, que la méthode somatique est la seule méthode efficace en psychologie, et qu’il faut, autant que possible, rattacher l’explication des phénomènes psychiques aux processus organiques, qui leur sont constamment et régulièrement unis ; mais la science est encore trop ignorante de ces relations pour que l’observation de conscience ne soit pas forcément le principal instrument du psychologue, dans la question du sommeil et du rêve comme dans beaucoup d’autres. L’auteur soutient habilement que la veille et le rêve, le rêve et la folie sont reliés par des transitions insensibles, et que ces divers états s’éclairent les uns par les autres. Tous les travaux qui ont été publiés sur cette intéressante matière sont mis à profit par Radestock ; et son livre est une mine précieuse d’informations bibliographiques.

Rob. Prœlss. Vom Ursprunge der menschlichen Erkenntniss (De l’origine de la connaissance humaine). Leipzig, Schlicke. 1879.

L’auteur soutient, comme l’avait déjà tenté Schuppe dans son Erkenntnisstheoretisehe Logik, que la qualité et la quantité des objets de l’intuition sensible, que leurs déterminations spécifiques et leurs déter-