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Dr Richer (Paul). Etudes cliniques sur l’hystéro-épilepsie ou grande hystérie. 1 vol in-8o, avec 105 figures et 9 gravures à l’eau-forte. Paris, Delahaye et Lecrosnier.

Il serait bien superflu aujourd’hui et pour les lecteurs de la Revue de démontrer le profit que la psychologie peut tirer de l’étude des maladies mentales : c’est un point accordé par tout le monde, même par les spiritualistes les plus décidés. Mais il y a un groupe de maladies dont on a moins souvent parlé et qui doivent cependant, un jour ou l’autre, contribuer pour une large part à la constitution de la psychologie comme science naturelle : ce sont les maladies nerveuses, telles que l’hystérie, l’épilepsie, l’hypochondrie, qui, sans constituer proprement un désordre mental, y continent et finalement y conduisent.

La monographie que M. le Dr Richer vient de consacrer à la grande hystérie (c’est-à-dire à une affection mixte, composée à la fois d’hystérie et d’épilepsie) est le recueil le plus complet qu’on puisse consulter. Elle est le fruit d’une longue fréquentation avec les hystériques de la Salpêtrière, ce qui veut dire la collection la plus riche et la mieux choisie qu’il y ait au monde. Une partie de son livre est naturellement consacrée à des considérations médicales et thérapeutiques qui ne doivent pas nous occuper ici ; mais il reste encore une ample matière à étudier pour le psychologue.

Quelques médecins soutiennent que les femmes ; pour la moitié, sont plus ou moins hystériques, et un aliéniste n’a pas craint de dire « que l’hystérie n’est que l’exagération du caractère féminin ». Même en admettant qu’eux aussi ils exagèrent, on comprend assez l’importance de la question. SI donc quelqu’un est tenté un jour d’écrire une psychologie[1] de l’hystérie, il trouvera dans le livre qui nous occupe la plus abondante source d’informations. Comme il ne peut être question d’entreprendre ici un pareil travail, nous nous bornerons à indiquer quelques faits étudiés dans l’ouvrage de M. Richer, qui intéressent la psychologie générale.

D’abord les troubles sensoriels. Les hystériques ont une hémi-anesthésie (quelquefois l’anesthésie est totale) qui existe même en dehors des attaques. L’analgésie (insensibilité à la douleur) permet de les piquer profondément sans qu’elles en soutirent. La piqûre est sentie comme contact, non comme douleur. Ce fait et les troubles de la motilité qui se présentent chez elles ont une grande importance pour l’étude analytique des diverses formes de la sensibilité générale. Ce sont principalement les hystériques qui se sont chargées de démontrer que certains modes peuvent être abolis, d’autres restant intacts. La pathologie s’est chargée de faire une analyse qui autrement nous restait inaccessible. Cette hémi-anesthésie affecte d’ailleurs les sens spéciaux. Du

  1. L’un des collaborateurs de ce recueil, M. Richet, en a donné une esquisse dans la Revue des Deux-Mondes.