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ANALYSESw. wundt.Physiologische Psychologie.

difficulté de rapporter ces abstractions à quelque chose de plus général.

Je mentionnerai un dernier ordre de recherches (tome II, p. 213 relatif à la portée ou à l’étendue de la conscience (Umfang des Bewusstseins). Combien peut-il y avoir simultanément d’états dans la conscience ? C’est une question qui a été très discutée, surtout par Herbart et ses disciples Waitz et Lange… Mais il est clair que l’observation intérieure seule ne peut répondre à cette difficile question ; c’est la méthode expérimentale qui peut la trancher. Pour cela, Wundt prend une série d’impressions successives d’une nature simple : les coups d’un pendule entrecoupés d’une manière régulière par les coups d’un timbre. On constate qu’il y a un certain degré de vitesse qui donne le maximum de perception. Si elle augmente ou diminue, les conditions deviennent beaucoup plus défavorables à l’expérience. « On trouve que la vitesse la plus favorable est celle qui suppose de à  » d’intervalle entre les impressions. Le maximum d’impressions qui puissent former une série s’élève à 12. Nous pouvons donc dire que 12 représentations simples forment l’étendue maxima de la conscience pour des états successifs et relativement simples. » Pour les sensations tactiles, on arrive au même résultat ; mais nous ne sommes pas capables de conserver un aussi grand nombre d’impressions, si elles ne se présentent pas sous la forme rhythmique.

Tel est le résumé très bref des recherches nouvelles que M. Wundt nous fait connaître sur la durée des actes psychiques. Ils sont le résultat des travaux entrepris par lui avec ses élèves dans son laboratoire psycho-physique de Leipzig. Il promet d’ailleurs (p. 280, tome II) de publier sur ce sujet un mémoire spécial. Ce sera pour nous une occasion d’y revenir et d’exposer la question avec le développement qu’elle comporte.

Nous avons simplement essayé de faire entrevoir ce qu’il y a de nouveau dans cette deuxième édition. En la lisant, nous n’avons pu nous défendre d’une réflexion. Il y a une quarantaine d’années, lorsqu’on publiait en France un de ces livres de psychologie auxquels plusieurs estiment qu’il faudrait encore s’en tenir, et que ce livre avait une seconde édition (ce qui est arrivé quelquefois), l’auteur se contentait pour tout changement d’une nouvelle préface, dans laquelle il exprimait sa satisfaction. Aujourd’hui, tout est changé. À six ans de distance, voici un livre écrit par un des hommes les plus compétents de l’Europe, qui est refait presque en entier. C’est que la psychologie nouvelle a l’allure d’une science qui marche. Elle trouve en elle-même et dans les autres sciences de la nature des raisons pour se modifier et se compléter incessamment elle doit être toujours en éveil. L’ancienne psychologie était plus commode ; on comprend qu’elle laisse des regrets.

Th. Ribot.