Page:Ribot - Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 11.djvu/425

Cette page n’a pas encore été corrigée


ANALYSES ET COMPTES RENDUS




F. Evellin.Infini et quantité.–Paris, Germer Baillière, 1880.

Le titre de cet ouvrage effrayera peut-être plus d’un lecteur. Ne semble-t-il pas que, sur un tel sujet, il soit impossible de rien dire qui n’ait été cent fois dit, et impossible aussi de parler de telle sorte qu’il ne reste, après, tout autant à dire ? En un mot, on dirait que le sujet est à la fois épuisé et inépuisable : il est si naturel de se contredire quand on parle de l’infini Cependant, on peut ouvrir sans crainte le livre de M. Evellin : on n’y trouvera rien qui ressemble aux pompeux lieux communs d’autrefois, mais des discussions très neuves et très modernes, une multitude de faits empruntés aux derniers travaux de nos physiciens et de nos chimistes, une connaissance approfondie des mathématiques, des vues engageantes et hardies, exposées avec une sorte de candeur métaphysique qui séduit, une dialectique sincère et passionnée, enfin un langage précis sans obscurité, élégant sans afféterie, ferme et coloré, tel en un mot qu’il convient à la difficulté et à la gravité du sujet. On se convaincra aussi que la question de l’infini n’est pas de celles où l’on marche toujours sans avancer jamais : et nous ne croyons pas faire un éloge exagéré du très remarquable livre de M. Evellin en disant qu’il contient sur l’infini plusieurs choses définitives.

L’ouvrage se divise en trois parties. Après une introduction destinée à résumer l’histoire de l’idée de l’infini, à poser le problème et à déterminer la méthode propre à le résoudre, l’auteur considère d’abord l’infini dans la nature : il se place au point de vue du physicien et du chimiste. Il étudie ensuite l’infini mathématique, et enfin l’infini en philosophie. Nous passerons rapidement ici sur les deux premières parties : les théories de M. Evellin sur l’infini mathématique ne peuvent être appréciées avec autorité que par un mathématicien exercé et compétent : la partie mathématique de cet ouvrage sera dans la Revue l’objet d’une étude spéciale, due à un écrivain dont nos lecteurs ont pu souvent apprécier la grande érudition et l’habileté dialectique. Nous nous bornerons à une rapide analyse, et nous nous attacherons particulièrement à la partie philosophique de l’œuvre.

I. Il s’agit d’abord de savoir si les quantités réelles, concrètes, objectives — matière, lieu, durée, mouvement — sont infinies. Mais,