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herbert spencer. — les chefs politiques

d’honneurs et imposant à l’opinion de la foule des samouraïs ou classe militaire, ils exercèrent le pouvoir eux-mêmes. Ils prirent soin cependant d’accomplir tous les actes de leur autorité au nom des souverains fainéants, leurs seigneurs ; aussi entendons-nous dire que les daïnios, comme des empereurs, accomplissaient des actes et conduisaient une politique que ceux-ci ignoraient peut-être complètement. » Dans le gouvernement central, nous voyons un double exemple du passage du pouvoir politique aux mains de ministres. Successeurs d’un conquérant issu des dieux, qui exerçait réellement la souveraineté, les empereurs japonais devinrent peu à peu souverains de nom, en partie à cause du caractère sacré qui les séparait de la nation, en partie à cause de l’âge trop peu avancé où la loi de succession les appelait au trône. Par suite, leurs délégués acquéraient l’autorité. La régence au ixe siècle « devint héréditaire dans les Fujiwares (issus de la famille impériale), et les régents devinrent tout-puissants. Ils obtinrent le privilège d’ouvrir toutes les pétitions adressées au souverain, de les présenter et de les rejeter à leur gré. » À la longue, cette fonction usurpatrice perdit son autorité usurpée à son tour de la même manière. De nouveau, on suivit rigoureusement une succession d’après une règle fixe, et de nouveau la séparation du maitre d’avec les sujets lui fit perdre la direction des affaires. « Le seul titre aux charges publiques était une haute naissance, et on ne tenait aucun compte de l’incapacité dans le choix des fonctionnaires. » En dehors des quatre fonctionnaires intimes du Shiogun, personne ne l’approchait ; quelques crimes qui pussent se commettre à Kama Koura, il était impossible, à cause des intrigues de ces favoris, de lui faire parvenir une plainte. » Il en résulta que « par la suite cette famille… céda l’autorité aux chefs militaires, » qui souvent devinrent des instruments aux mains d’autres chefs.

Nous avons un exemple de cette substitution, mais sous une forme moins nette dans l’ancienne Europe. Les rois mérovingiens, à qui la tradition attribuait une origine surnaturelle et dont l’ordre de succession était réglé de sorte que les mineurs régnaient, tombèrent sous l’autorité de leurs premiers ministres. Longtemps avant Childéric, la famille mérovingienne avait cessé de gouverner. « Les trésors du roi et sa puissance avaient passé aux mains des maires du palais ; l’autorité suprême leur appartenait en réalité. Le prince devait se contenter de porter le titre de roi, des cheveux flottants et une longue barbe, de s’asseoir sur le trône, et de faire figure de monarque. »

En nous plaçant au point de vue de l’évolution, nous pouvons discerner l’avantage relatif d’institutions qui, au point de vue de l’absolu, ne sont pas bonnes, et nous apprenons à accepter à titre