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de cette transition. Bien que les conquérants aztèques du Mexique aient apporté avec eux le système de parenté par les femmes, et par conséquent la loi de succession en ligne féminine, cette loi se modifia en partie ou totalement pour faire place à la succession dans la ligne masculine. Dans le Tezcuco et le Tlacopan, provinces du Mexique, le fils aîné héritait de la royauté, et au Mexique le choix d’un roi ne portait que sur les fils et les frères du roi précédent. Dans l’ancien Pérou, dit Gomara, « les neveux héritaient, et les fils n’héritaient pas, excepté dans la race des Incas. » Mais, dans ce cas, l’exception présentait cette étrange particularité que « le premier-né de ce frère et de cette sœur (c’est-à-dire de l’Inca et de sa principale femme) était l’héritier légitime du royaume », disposition qui rendit la ligne de succession masculine singulièrement restreinte et définie. L’analogie de l’usage du Pérou avec celui de l’Égypte nous ramène en Afrique. « En Égypte, c’était la filiation féminine qui donnait le droit à la propriété et au trône. Le même usage régnait en Ethiopie. Lorsque le monarque se mariait hors de la famille royale, ses enfants ne possédaient pas un droit légitime à la couronne. » Si nous ajoutons que le monarque était « censé descendre des dieux dans la ligne masculine et féminine », et qu’il y avait des mariages royaux entre le frère et la sœur, nous reconnaissons que les mêmes causes produisaient les mêmes effets en Égypte et au Pérou. En effet, au Pérou, l’Inca était censé de race divine ; il était héritier de la divinité des deux côtés ; et il épousait sa sœur pour garder la pureté du sang divin. Enfin au Pérou, comme en Égypte, cet usage aboutissait à la succession de la royauté dans la ligne masculine, tandis qu’en dehors de la famille royale la succession par les femmes était la règle.

La méthode de transition d’une loi de filiation à l’autre, que ces derniers faits impliquent, n’est pas la seule, il y en a d’autres qu’impliquent des faits cités précédemment. Dans la Nouvelle-Calédonie, un « chef nomme pour son successeur, si c’est possible, son fils ou son frère ; » l’un de ces choix implique la filiation dans la ligne masculine, et l’autre convient aussi bien à la filiation dans la ligne masculine qu’à la filiation dans la ligne féminine. À Madagascar, où prévalait le système de parenté par les femmes, « le souverain nommait son successeur, et naturellement choisissait son fils. En outre, il faut remarquer que lorsque, comme dans les cas où aucune nomination n’a été faite, les nobles choisissent le souverain parmi les membres de la famille royale et se déterminent d’après des conditions d’éligibilité, il peut y avoir, et il y a naturellement, une dérogation à la filiation en ligne féminine ; et, cette dérogation une fois faite, il est probable que cette filiation sera abolie pour divers motifs. La transition