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herbert spencer. — les chefs politiques

Obbos vient de cette cause, lui qui, pendant la sécheresse, rassemble ses sujets et leur dit « combien il regrette que leur conduite l’ait obligé à leur infliger un mauvais temps, mais que c’est leur faute… Il lui faut des chèvres et du grain. Pas de chèvres, pas de pluie, c’est notre contrat, mes amis, dit Ratchiba… Que son peuple se plaigne de l’excès de pluie, il les menace de les condamner aux tempêtes et au tonnerre à jamais, s’ils ne lui apportent pas tant de corbeilles de grains, etc., etc. Ses sujets ont la confiance la plus absolue en sa puissance. » Enfin, au Loango, le roi passe aussi pour commander au temps.

On retrouve une relation analogue dans les monuments des divers peuples éteints des deux hémisphères. Huitzilopachtli, le fondateur de l’empire mexicain, était « un grand magicien et un grand sorcier ». Chaque roi mexicain, en montant sur le trône, devait jurer « d’obliger le soleil à suivre sa course, les nuées à verser la pluie sur la terre, de faire couler les rivières et mûrir les fruits. » Un souverain Chibcha qui reprochait à ses sujets leur défaut d’obéissance leur dit qu’ils « savaient qu’il était en son pouvoir de les affliger d’une épidémie, de leur donner la variole, le rhumatisme, la fièvre, et de faire pousser autant d’herbe, de légumes et de plantes qu’ils en désiraient. » D’anciens documents égyptiens fournissent des indications d’une croyance primitive semblable. Après l’apothéose de Toutmès III, « on le regarda comme le bon dieu de la contrée, qui préservait de l’influence mauvaise des esprits du mal et des magiciens. » II en était de même des Juifs. « Les écrits rabbiniques ne tarissent pas sur la science et le pouvoir magiques de Salomon. Ils nous le montrent non-seulement comme le roi de la terre entière, mais aussi comme le souverain des bons et des mauvais esprits ; ils lui attribuent la puissance de les chasser des corps des hommes et des animaux et aussi de les leur livrer. » Les traditions des peuples européens fournissent des faits analogues. Comme nous l’avons déjà vu les récits du Keims-Kringla-saga donnent à penser qu’Odin, le souverain scandinave, était un sorcier ; ce que furent aussi Niort et Frey, ses successeurs. Quand on se rappelle les armes surnaturelles et les exploits surnaturels des rois héroïques primitifs, on ne peut guère douter qu’ils ne possédassent aussi dans certains cas des pouvoirs magiques d’où dérivent les prétendus pouvoirs de certains rois de guérir des maladies par le toucher ou par d’autres pratiques. Nous en pouvons d’autant moins douter que l’on attribuait des pouvoirs analogues à des chefs subordonnés issus de héros des temps primitifs. Il y avait des nobles Bretons d’ancienne race dont la salive et le toucher avaient des vertus curatives.