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herbert spencer. — les chefs politiques

Comme nous l’avons vu dans un autre article, l’insubordination primitive est plus ou moins grande selon que le milieu ou les habitudes favorisent ou gênent l’exercice de la contrainte. Les naturels de la basse Californie, dit Baegert, ressemblent à des troupeaux de cochons sauvages qui courent çà et là à leur gré, réunis un jour et dispersés le lendemain, jusqu’à ce qu’un accident les rassemble de nouveau. » Selon Franklin, « les chefs des Chipeways ne sont pas tout à fait sans pouvoir, » et ce peuple forme de petites bandes errantes. Les Abipones, « à qui l’agriculture est insupportable autant que la résidence en un lieu fixe » et « qui ne cessent de changer de place, dit Dobrizhoffer, ne respectent point leur cacique comme un maître, ne lui payent point de tribut et ne lui rendent aucun service, comme c’est l’habitude chez d’autres nations. » II en est de même sous des conditions analogues chez d’autres races d’un type très différent. Burckhardt remarque que, chez les Bédouins, « les cheicks n’ont aucune autorité fixe. » Suivant un autre auteur, « on dépose le chef qui a trop serré le lien de l’allégeance, ou on l’abandonne, et il retombe au rang de simple membre de la tribu, ou bien il reste complètement isolé. »

Ces trois faits constatés : la non-existence de l’autorité politique au début, la résistance quelle soulève, et les circonstances qui permettent d’y échapper, on peut se demander qu’elles sont les causes qui aident au développement de cette institution. Il y en a plusieurs ; et t’institution de l’autorité d’un chef s’établit dans la mesure où ces causes concourent.

Entre tous les membres du groupe primitif, qui diffèrent peu les uns des autres, il ne peut manquer d’en exister un qui possède une supériorité reconnue. Cette supériorité peut être de divers genres ; nous allons les examiner rapidement.

Nous devons signaler, bien qu’à titre exceptionnel, des exemples où la supériorité est celle d’un étranger immigrant. Les chefs des Khonds « sont d’ordinaire des descendants de quelque audacieux aventurier » de race hindoue. Forsyth assure la même chose de « la plupart des chefs » des montagnes de l’Asie centrale. Enfin les traditions de Bochica chez les Chibchas, d’Amalicava chez les Tamanacs, et de Quetzalcoatl chez les Mexicains donnent à penser que l’institution des chefs a eu chez ces peuples une origine analogue. Mais ce qui doit surtout nous occuper un moment, ce sont les conditions de supériorité qui prennent naissance au sein de la tribu.

La première est celle qui résulte d’un âge plus avancé. Encore que l’âge, quand l’incapacité en est la conséquence, devienne souvent chez des peuples grossiers un objet de mépris poussé au point