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ANALYSESA. Rosenthal. — Die monitische Philosophie.

plication des phénomènes. Quant à la conscience, il est inutile d’en attribuer une à ce bipède, car les recherches purement expérimentales toutes seules n’en font découvrir aucune trace.

Le savant pourrait à bon droit s’étonner des conclusions de l’être supérieur que nous avons supposé. Mais vous-même, lui répondrait le penseur, n’avez-vous pas la prétention, bien que vous ayez conscience de votre conscience, de tout expliquer, lorsqu’il s’agit des choses, par l’extérieur seulement ? Si vous reconnaissez que votre science ne doit pas dépasser les limites de ce qui est visible et numériquement déterminable, du moins devez-vous avouer qu’il y a encore beaucoup de questions qui s’imposent à l’homme et sont l’objet de recherches tout aussi sérieuses et nécessaires que les vôtres. Cette science, par cela même qu’elle néglige ce qui échappe à la perception physique, c’est-à-dire le spirituel, ce qui est l’expression la plus haute de l’être humain, renonce au titre de science universelle, et il faut craindre que dans l’avenir on la dédaigne comme exclusive et bornée.

Les progrès incontestables que nous devons à la science ne suffiraient pas pour lui assurer la suprématie et faire mépriser les spéculations du philosophe. Si les théories scientifiques les plus à la mode aujourd’hui prévalaient définitivement, si l’on en venait à considérer le monde comme un champ de bataille où la lutte pour l’existence, inconsciente chez les animaux, éclairée dans la race humaine de toutes les lumières que de constantes recherches peuvent nous procurer, serait la seule fin de l’activité, que deviendraient les sentiments généreux, et l’égoïsme sous sa forme la plus hideuse ne serait-il pas bientôt la seule règle de toutes les actions raisonnées ? Comment supposer qu’une réaction tarderait à se produire contre ces doctrines étroites et par cela même si funestes au développement de l’humanité ?

Une doctrine, à tout prendre, vaut moins, semble-t-il, par sa vérité intrinsèque que par les satisfactions qu’elle procure aux inclinations, aux goûts de ceux qui l’admettent. Or ces inclinations et ces goûts changent avec le temps. Quelle que soit la passion qui paraît emporter aujourd’hui les esprits aux explications purement scientifiques, les disposer à ne voir en toute chose que les effets de forces matérielles, quelles que soient les espérances données par une méthode exclusive qui néglige, comme inabordable, le dedans des choses, pour s’occuper du dehors seulement, et porte à nier même la réalité de cet aspect intérieur dont l’extérieur serait la manifestation, il faut croire que le jour n’est pas éloigné où, l’insuffisance de cette méthode éclatant, on reviendra à de plus hautes pensées, on fera au spirituel la part qui lui appartient.

« II doit s’estimer heureux, dit M. Rosenthal, l’esprit scrutateur auquel s’offrent encore des sujets de recherches, auquel se présentent toujours de nouvelles énigmes. Le poète a eu raison de dire : L’homme ne se trompe pas tant qu’il fait des efforts pour trouver la vérité. L’in-