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qu’elle ne sera jamais véritablement une ni véritablement complète. » Cela n’empêche pas la métaphysique d’être absolument indépendante ; cependant « elle évite de choquer la foi ». De plus, le christianisme est « la meilleure préparation à l’étude de la philosophie. On objecte que cette croyance impose des dogmes et que ces dogmes gênent l’indépendance du penseur. Mais quoi ! En dehors de ces dogmes, ne reste-t-il pas plus de questions libres que la philosophie n’en soulèvera en bien des siècles ? » On voit assez quelle liberté est laissée à la philosophie. Mais, objecte encore M. Desdouits, « le reproche d’enchaîner la pensée humaine, s’il était fondé, s’adresserait à la science aussi bien qu’à la religion. » Est-il bien nécessaire de répondre que, si la science enchaîne la pensée humaine, c’est en lui donnant des connaissances dont la valeur est constatée ou démontrée, ses indications pouvant toujours être contrôlées et vérifiées. Peut-on dire que la science, en agissant ainsi, enchaîne la pensée humaine ?

Mais l’histoire, dit M. Desdouits, nous montre que « toute éclipse de la foi est une éclipse de la philosophie », et, comme preuve de l’impuissance de la philosophie qui se sépare de la théologie, il cite Hobbes, Spinoza, Hume et le positivisme. On pourrait ajouter l’école anglaise contemporaine, qui se rattache à Hume et à Comte. Il faut dire que pour M. Desdouits la philosophie se confond avec la métaphysique.

J’aurais voulu, si cette analyse n’était pas déjà bien longue, citer en partie et examiner ici une critique faite par M. Desdouits d’un article de M. Taine sur les éléments et la formation de l’idée du moi[1]. Bien que je diffère d’opinion avec M. Desdouits sur la conclusion à tirer des faits cités par M. Taine, plusieurs de ses remarques me paraissent justes et pénétrantes, et je regrette vivement que la psychologie proprement dite tienne si peu de place dans le livre de M. Desdouits. Elle est trop souvent remplacée par des affirmations bien peu évidentes et bien mal prouvées et par des raisonnements qui ne se fondent que sur elles.

Fr. Paulhan.

A. Rosenthal. Die monistische Philosophie. Ihr Wesen, ihr Vergangenheit und Zukunft, fuer die Gebildeten aller Stande.La philosophie monistique. Sa nature, son passe et son avenir, exposés à l’usage de tous les esprits éclairés. — Berlin, Carl. Dunker’s Verlag. 1880.

Poésie et philosophie mêlées, voilà un ouvrage aux allures originales. Une dédicace en vers, un morceau lyrique au début de chaque chapitre, et, comme conclusion, une « Admonition paternelle à mon livre », à la façon de Martial, c’est assez dire que nous n’avons pas affaire à un traité français de métaphysique. Aussi bien n’est-ce pas un traité.

  1. Revue philosophique, mars 1876.