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ANALYSESl. robert. — De la certitude et du scepticisme.

« Quand l’expérience scientifique nous a ramenés de la matière à nous-même, ab exterioribus ad interiora, une autre expérience, celle de la douleur et de l’imperfection, nous oblige à porter nos regards vers la réalité divine, ab interioribus ad superiora, et c’est encore l’expérience qui montre quelle absolue certitude s’attache à ces choses invisibles qui donnent la force et la consolation et pour lesquelles on vit et on meurt. »

Il serait trop long de résumer tout le livre de M. Robert ; je me bornerai donc à indiquer très brièvement les conclusions de l’auteur, me réservant de revenir ensuite sur quelques points. Dans la seconde partie du livre sont examinées les différentes sources de certitude ; la perception extérieure, la conscience, la raison, l’intellect actif et l’autorité. La perception extérieure nous présente des signes de la réalité extérieure ; la conscience nous fait connaître, au milieu de la diversité des phénomènes psychiques le sujet unique auxquels ils appartiennent ; la raison nous donne des idées absolues, et les principes universels et nécessaires, les choses générales que l’intellect actif nous fait connaître sont les lois, les genres, les fins. Quant à l’autorité, elle comprend le sens commun, le témoignage et la révélation. Dans sa troisième partie, M. Robert, étudiant le criterium et le fondement de la certitude, accepte pour criterium l’évidence, et pour fondement logique l’idée du vrai, qui nous conduit, comme bien d’autres, d’après l’auteur, a l’idée de Dieu, « l’être dont on peut dire qu’il est la vérité même. »

M. Robert a une vaste érudition ; la plupart des systèmes philosophiques lui sont familiers, il les expose et les critique fort consciencieusement, et assez clairement en général. Toutefois son ouvrage n’est pas sans défauts ; l’unité manque, l’ordre suivi n’est pas assez rigoureux, et le plan est très contestable ; le même système est examiné ou exposé à plusieurs reprises ; les discussions, très minutieuses, ce qui n’est pas un inconvénient, parfois heureuses, sont souvent embarrassées, diffuses et traînantes. Dans l’exposé des autres systèmes ou de ses propres opinions, M. Robert manque parfois de netteté, de fermeté et de précision. Il ne me semble pas d’ailleurs que son livre apporte des considérations nouvelles sur le sujet traité ; l’auteur s’en tient volontiers aux anciennes conclusions et montre un goût peut-être exagéré pour la scolastique.

Je ne discuterai pas ici toutes les opinions de M. Robert ; beaucoup ne me paraissent pas acceptables. Prenons, par exemple, le chapitre qui traite de la nature de la raison. Nous y lisons que « toutes les idées de la raison se ramènent à une seule, l’idée de perfection, » et que au-dessus de tout le reste il y a la perfection souveraine, Dieu, « dont l’idée, véritable fond de la raison, est toujours présente à notre esprit quand il pense. » Sans l’idée d’immensité, nous n’aurions pas l’idée d’espace, et qu’est-ce que l’immensité ? « C’est la puissance divine considérée par rapport à la possibilité d’un nombre indéfini