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Cette forme de l’appareil gouvernemental est donc la forme fondamentale parce qu’on la trouve au début de la vie sociale et qu’elle persiste sous diverses conditions. Ce n’est pas seulement chez les peuples de types supérieurs, tels que les Ariens et certains Sémites, que nous la rencontrons ; nous l’observons encore chez les divers peuples polynésiens, chez les Peaux-Rouges de l’Amérique du Nord, les tribus dravidiennes des montagnes de l’Inde et les tribus de l’Australie. En fait, comme nous avons déjà dû le penser, l’organisation sociale ne pouvait commencer d’une autre façon. D’une part, nulle force gouvernementale n’existe d’abord, sauf celle delà volonté commune exprimée par la horde assemblée. D’autre part, le rôle principal dans la détermination de cette volonté commune sera inévitablement joué par les hommes en petit nombre dont la supériorité est reconnue. Parmi ces hommes prédominants, il en est un qui est assurément le plus prédominant. Ce qui doit nous frapper le plus, ce n’est pas tant qu’une forme libre soit la forme primitive de gouvernement, bien qu’il y ait lieu d’en tenir grand compte. Ce n’est pas non plus qu’au début même se révèle la démarcation qui sépare le petit nombre des supérieurs du grand nombre des inférieurs, démarcation qui s’accentuera plus tard, et pourtant ce fait mérite aussi qu’on le signale et qu’on s’y arrête. Ce n’est pas davantage l’apparition primitive d’un chef gouvernant, en possession d’une puissance plus grande que celle de toute autre personne. Ce que nous devons surtout remarquer, c’est qu’au début même on peut distinguer les vagues linéaments d’une structure politique triple et une.

Il ne faut pas s’attendre à rencontrer deux cas où la proportion des forces de ces trois éléments soit tout à fait la même ; et comme nous le donnent à penser divers exemples, ces éléments subissent des changements plus ou moins grands, déterminés tantôt par la nature émotionnelle des hommes qui composent le groupe, tantôt par les circonstances physiques qui favorisent ou entravent l’indépendance, tantôt par des occupations belliqueuses ou pacifiques, tantôt enfin par le caractère exceptionnel de certains individus.

La possession d’une sagacité, d’une adresse, d’une force, habituellement considérée par les hommes primitifs comme une qualité surnaturelle, peut donner à quelque membre de la tribu une influence, qui, transmise à un successeur censé héritier du même caractère surnaturel, peut donner peut-être naissance à une autorité qui se place à la fois au-dessus de celle des autres chefs et de celle de la masse. Ou bien il peut arriver qu’une certaine division du travail attache exclusivement une partie de la tribu aux occupations guerrières, tandis que le reste demeure livré à d’autres travaux, ce qui