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h. spencer. — des formes et des forces politiques.

quelque guerrier illustre, quelque sorcier habile, qui prendra plus que sa part dans la résolution d’après laquelle on agira à la fin. Cela veut dire que l’assemblage entier se partagera en trois groupes.

Pour me servir d’une métaphore empruntée à la biologie, nous dirons que de la masse générale sortiront par différenciation un noyau et un nucléole.

Ces premiers rudiments de structure politique, dont nous admettons à priori la formation spontanée, ont pris naissance chez les peuples les moins avancés : la répétition les fortifie de manière à produire un ordre constitué. Lorsque, chez les aborigènes de Victoria, une tribu se prépare à tirer vengeance d’une autre tribu où l’un de ses propres membres est censé avoir été tué, « un conseil s’assemble, composé de tous les vieillards… Les femmes forment un cercle extérieur autour des hommes… Le chef (simplement un naturel influent) ouvre le conseil. » Ce que nous voyons ici se passer dans un assemblage où n’existent guère d’autres différences que celles qui viennent de la force, de l’âge, de la capacité, se passe aussi lorsque, plus tard, ces distinctions naturelles ont acquis un caractère défini. À l’appui, l’on peut citer le récit que Schoolcraft nous fait d’une conférence tenue entre des Chippeouais, des Ottaouas et des Pottoouattomis avec des commissaires des Etats-Unis, à laquelle il assistait. Après que le commissaire en chef eut parlé, ce furent, du côté des Indiens, les principaux chefs qui prirent la parole, en commençant par « un homme vénérable pour son âge et sa situation. » Bien que Schoolcraft ne parle pas de l’ensemble formé par le vulgaire, nous en connaissons pourtant l’existence par un passage de l’un des discours des Indiens « Voilà, vous voyez mes frères, jeunes et vieux, les guerriers et les chefs, les femmes et les enfants de ma nation. » Ce qui donne à penser que l’ordre politique observé dans cette circonstance était l’ordre usuel, c’est qu’on le retrouve même dans des parties de l’Amérique où les chefs ont reçu la distinction d’une noblesse acquise nous en avons la preuve dans ce que Bancroft nous raconte de l’une des tribus de l’Amérique centrale où « il y a de fréquentes réunions dans la salle du conseil, la nuit. La salle est alors éclairée par un grand feu, les gens s’y tiennent découvert, écoutant avec respect les observations et les décisions des ahuales, hommes au-dessus de quarante ans, qui ont occupé des fonctions publiques, ou qui se sont distingués de diverses manières. » Chez les peuples de type différent et fixés en des lieux très éloignés l’un de l’autre, nous retrouvons cette forme primitive de gouvernement modifiée dans les détails, mais au fond avec le même caractère. Parmi les tribus montagnardes de l’Inde, nous pouvons citer les