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Ch. secrétan. — religion, philosophie et science.

croyons qu’il aurait suffi d’une application relativement facile de là méthode d’observation, sur laquelle le positivisme prétend se fonder.

La religion d’abord n’est pas une conception du monde, pour la simple raison que la religion n’est pas essentiellement un fait intellectuel. La religion est un ensemble indissoluble d’opinions, de sentiments et de pratiques où toutes nos énergies sont intéressées. Il serait aisé de s’en convaincre si l’on étudiait le phénomène non seulement dans sa périphérie, mais aussi dans son centre. Autre chose est une religion, autre chose la théorie de cette religion ; on ne saurait comprendre en quoi la religion consiste qu’en observant la vie des hommes véritablement religieux et en s’efforçant de saisir les mobiles réels de leur activité. On se convaincrait alors que la religion, tout en impliquant certaines idées, est essentiellement une affaire pratique, qui consiste dans un effort, tantôt plus individuel, tantôt plus collectif, de l’homme pour se rattacher intimement au principe de son être tel qu’il le conçoit, et même sans qu’il s’en forme nécessairement une conception bien distincte.

Le positivisme, cherchant avec raison dans les formes les plus simples, les commencements, qui pour lui se confondent avec les principes, a essayé de faire voir que tous les penchants de notre nature surgissent de deux racines : l’appétit pour les aliments, première forme de l’égoïsme, et l’appétit sexuel, source de la bienveillance. M. A. Fouillée fait observer que le second terme de l’opposition n’est pas formulé d’une manière assez générale. C’est du besoin de reproduction qu’il aurait fallu parler, car cette fonction, inséparable de la vie, n’attend pas la différence des sexes pour entrer enjeu. La correction nous semble heureuse à plus d’un égard. En dehors de la prêtrise, qui peut n’être qu’un métier, le désir de donner à leur existence le maximum d’utilité dont elle est susceptible décide quelques personnes au célibat. À première vue, on s’étonne de voir chercher dans un besoin le motif qui nous interdit de le satisfaire. Cependant, à l’aide d’un appareil très simple, on utilise la pente d’un ruisseau pour faire remonter une partie de l’eau qu’elle entraîne, et la morale empirique abonde en machines de ce genre-la. Se rendre utile est bien un moyen d’étendre et de prolonger sa vie.

À la prendre d’un peu haut, et toutes réserves faites sur la question de savoir si la finalité, bannie en général par l’école, ne reparait pas dans le particulier, la déduction proposée nous semble donc bonne, au sens d’une généralisation plausible, qui groupe un grand nombre de faits conformément à l’hypothèse, et tend par suite l’accréditer. S’il nous