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LA RELIGION, LA PHILOSOPHIE

ET

LA SCIENCE


L’idée que nous nous faisons de la science nous dicte nos méthodes, et le choix de la méthode commande les conclusions. Si haut que nous remontions vers le moment où les hommes ont essayé de se comprendre eux-mêmes, nous voyons l’empirisme et le rationalisme se partager les esprits, sans que l’une de ces tendances ait jamais réussi à s’imposer entièrement par la suppression de l’autre. Ce phénomène constituerait à lui seul une présomption assez forte en faveur de l’idée que chacune d’elles renferme une part d’erreur et de vérité.

La philosophie moderne reproduit en les compliquant les oppositions déjà dessinées chez les Grecs. Pour les disciples de Descartes, fidèles à la méthode que leur maitre avait préconisée plus encore qu’il ne l’avait suivie, l’esprit tire de son propre fonds la connaissance de tout ce qui peut être connu, ou du moins de tout ce qu’il importe de connaître. D’après ceux de Démocrite et de Bacon, il n’existe pas de force mentale particulière la science n’est qu’un résultat, inexplicable à la vérité, du mouvement mécanique des particules matérielles, la conscience n’est qu’un lieu où tout ce, qui se passe vient du dehors.

Cette dernière école domine la génération présente. Elle ne règne pas sans contestation : le pessimisme de Schopenhauer, tout en s’appuyant sur une base expérimentale aussi large que possible, continue la tradition de la métaphysique allemande en cherchant l’explication générale des phénomènes dans une hypothèse sur la nature de leur principe absolu ; le criticisme de M. Renouvier, qui maintient énergiquement l’idée de l’intervention du penseur dans la formation de sa pensée, suivant des lois immuables, a fini par attirer l’attention qu’il méritait. Le spiritualisme traditionnel se rajeunit et se complète. Néanmoins l’empirisme l’emporte ; il forme le courant principal de l’opinion, ses adversaires ne le combattent, qu’en