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ANALYSESernest krause. — Erasmus Darwin.

une exposition en vers de sa conception du monde. Il insiste sur la génération spontanée, qu’il juge nécessaire ; il place dans l’océan « sans rivages » l’origine de la vie. Les animaux même les plus élevés offrent dans leur développement embryonnaire des traces de cette origine. Dans le second chant, qui a pour sujet la reproduction de la vie, il parait entrevoir l’avantage de la fertilisation croisée chez les plantes. Dans le troisième chant, consacré aux progrès de l’esprit humain, il décrit la part immense qu’a prise le sens du toucher, auquel il attribue une importance extrême. Il parle ensuite de l’imitation, aux impulsions de laquelle il attribue l’origine de toutes les actions morales, des langages et des arts. Il montre comment le vrai langage prend son origine dans le langage des émotions et dans les gestes, dans les premières exclamations ; il en suit les progrès, ainsi que la croissance corrélative de l’intelligence ; il montre aussi l’origine de la moralité générale, fondée sur les stations sociales. Dans le quatrième chant, il revient sur la lutte pour l’existence, qui exerce ses ravages dans l’air, sur la terre et dans les eaux. Le Temple de la nature contribua grandement à rehausser la renommée poétique de Darwin ; mais la philosophie qui y est exprimée satisfit bien peu les lecteurs de son temps.

Tels sont les principaux ouvrages de Darwin ; comme philosophe, il devança son époque sur beaucoup de points, mais il émit aussi bien des hypothèses bizarres. Il s’excusait d’ailleurs lui-même, en tête de son Jardin botanique, pour ses conjectures hasardeuses ; mais il pensait que des théories de ce genre, « dans cette partie de la philosophie où notre savoir est encore imparfait, ne sont pas sans utilité, car elles encouragent l’exécution d’expériences difficiles ou font chercher des raisons ingénieuses pour les confirmer ou les réfuter. » — « Puisque les choses naturelles sont reliées les unes aux autres par beaucoup de ressemblances, dit-il encore, chaque espèce de classification théorique que l’on en fait ajoute à notre savoir en développant quelqu’une de leurs analogies. » En religion, il croyait en Dieu, mais n acceptait aucune révélation. Dans une lettre écrite en 1754, il se montre sceptique à l’endroit d’une providence particulière. Il espère une vie future, qu’aucun argument tiré de la nature ne nous garantit, mais que Dieu peut donner. En psychologie, G.-H. Lewes l’a cité comme l’un des psychologues qui cherchèrent à établir la base physiologique des phénomènes mentaux. Jean Müller cite avec approbation, quoiqu’en la corrigeant, sa loi sur les mouvements associés. En médecine (il avait d’ailleurs comme médecin une très grande réputation), Darwin exerça sur quelques points une heureuse influence. Il décrivit et commenta la manière dont les désordres nerveux se transmettent quelquefois soudainement d’un centre à un autre. En agriculture il mit le premier en lumière et expliqua théoriquement, d’après sir J. Sinclair, les propriétés fertilisantes des os pulvérisés. Disons encore qu’il fut intéressé toute sa vie pour des inventions mécaniques. Il faut enfin mentionner son ouvrage sur l’éducation des femmes, A plan for the Con-