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sont transmises à la postérité. Les trois grandes causes des désirs des animaux, désirs qui ont amené chez beaucoup d’êtres des changements de forme par les efforts effectués pour les satisfaire, sont l’appétit sexuel, la faim, le besoin-de-sécurité. L’appétit sexuel suscite d’ardents combats, et « la cause finale de cette lutte entre tes mâles semble être que tes plus forts et tes plus actifs puissent propager l’espèce, qui ainsi se perfectionne. »

« Serait-il trop hardi, se demande Darwin après avoir résumé ces diverses considérations, d’imaginer que, dans le grand laps de temps écoulé depuis que la terre a commencé à exister, des millions de siècles, peut-être avant le commencement de l’histoire de l’humanité, serait-il trop hardi d’imaginer que tous les animaux à sang chaud sont issus d’un filament vivant que la grande cause première a animé, et qu’elle a doué du pouvoir d’acquérir de nouvelles parties en rapport avec de nouvelles tendances dirigées par des sensations, des volitions et des associations, et qui possède ainsi la faculté de continuer à se développer par l’activité qui lui est inhérente, et de transmettre par la génération ces perfectionnements à sa postérité, multitude sans fin. »

Erasme Darwin fait sur les végétaux des remarques analogues : « Beaucoup de changements doivent être effectués en elles (les plantes) par leur lutte (contest) perpétuelle pour la lumière et l’air au-dessus du sol, pour la nourriture et l’humidité dans la terre. » Il se demande ensuite si le « filament vivant » végétal différait originellement de celui des animaux, ou bien si « nous devons conjecturer que la même espèce de filament vivant est et a été la cause de toute la vie organique. »

E. Darwin parait avoir le premier émis ces idées, que Lamarck eut le mérite de développer beaucoup plus dans ses ouvrages.

En 1800, Erasme Darwin publia sa « Phytologia ». On y trouve une discussion sur la nature des bourgeons et des boutons et des vues maintenant universellement adoptées sur la constitution des plantes, des passages intéressants sur leur nutrition. Mais ce qui nous intéresse le plus, ce sont les lignes écrites sur les luttes des animaux dans une discussion sur le bonheur des êtres vivants. « Les animaux les plus forts, dit-il, mangent sans pitié les plus faibles. Telle est la condition de la nature organique, dont la première loi peut être exprimée en ces termes : « manger ou être mangé », et qui pourrait nous paraître une grande boucherie, une scène universelle d’avidité et d’injustice. » Il se demande ensuite où trouver une idée qui nous console au milieu de tant de misères, et il ajoute : « Les bêtes de proie attrapent et prennent plus facilement les animaux vieux et infirmes ; les jeunes sont défendus par leurs parents… Il résulte de cette combinaison qu’il y a dans le monde plus de sensations agréables les vieilles organisations sont transformées (transmigrated) en jeunes.

Le Temple de la nature, « The Temple of nature », fut publié dans l’année qui suivit la mort de Darwin. C’est encore un poème didactique,