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ANALYSESpompeyo gener. — La Mort et le Diable.

nous rappelle que le bien qui est positif et, le comparer avec le présent, nous rencontrons des contrariétés et des maux qui sont des négations, et de là le regret de la jouissance passée ; le temps passé nous paraît meilleur pour la même cause, c’est-à-dire parce que la mémoire reproduit avec fidélité tous les états positifs et point les négatifs ; partant du passé seul le bien reste et le mat s’efface. Maudsley a donné l’explication physiologique de ce phénomène. S’il est impossible à la mémoire de reproduire une douleur ainsi qu’une émotion violente, c’est parce que la mémoire ne reproduit que les idées, c’est-à-dire les produits de l’organisation, les mouvements positifs ; et la douleur et la commotion sont des résultats de destruction ; la douleur en soi n’est que le résultat de la désorganisation de l’élément nerveux, c’est une sorte de cri d’alarme qui se communique par transmission de contact aux éléments nerveux qui n’ont pas été encore détruits. Ainsi, à reproduire une idée, nous reproduisons un courant nerveux correspondant à une prédisposition. La douleur ne se reproduit pas, parce que la mémoire ne peut reproduire une désorganisation, c’est-à dire ce qui n’existe plus. »

Ici s’arrête la partie philosophique du livre de M. Pompeyo Gener, partie peu originale, comme on vient de voir, mais qui témoigne d’une assimilation facile et d’une grande énergie de convictions.

La partie historique comprend successivement l’Inde, la Perse, l’Égypte, la Phénicie, la Grèce, les Hébreux, Rome, le moyen âge, la Renaissance, la Révolution ; nous allons suivre l’auteur dans ces longues pérégrinations.

Pour M. Pompeyo Gener, une religion hindoue, anonyme, poétique, entièrement dédiée à un dieu inconnu et que le brahmane fit anthropomorphique, se métamorphosa peu à peu, par intrigue, par paresse, en une religion énervante et même « en de désolantes théories. » Des chants de mort des Rig-Veda jusqu’à la théorie du Nirvana, longue décadence. Il y a même un ton d’ironie envers cette foi qui déifie rivière, montagne, vers, arbre, putréfaction, langage, musique, étoile et qui, en dernier lieu, créa Bibi-ola, déesse du choléra-morbus. La conclusion est que le transcendantalisme hindou a produit l’indignité de l’homme, la servitude volontaire, le suicide lent, l’oisiveté. De la belle civilisation sanscrite que reste-t-il ? Quelques miasmes à expulser de l’atmosphère sociale. L’auteur aime le Perse qui lui paraît bien correspondre à cet idéal de bonté, de vigueur, de justice, de modernité sociale et positive, qui lui semble caractériser la race aryenne. Il aime Zoroastre d’avoir précédé M. Littré. Pour lui, le Perse est mâle de conscience, de fermeté, de pensée et d’écriture. M. Gener est frappé de l’énergie de lutte de l’Iranien il n’a certes pas mal décrit le paysage de la mort du Perse étendu sur une table de jaspe, entouré des parents, haut vers le soleil qui le dessèche et les oiseaux qui le dévorent ; mais une phrase est singulière : « Il fallut les mages pour les corrompre. » IIl est évident qu’ici, comme