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pensées. L’âme, pourrait-on dire encore, est comme un orchestre dont les musiciens ne cesseraient pas un instant de’faire leur partie et se borneraient à mettre une sourdine à leur instrument, prêts d’ailleurs au moindre signe du chef à faire entendre clairement ce qu’auparavant ils murmuraient.

Voilà une explication des faits de la pensée qui étonne par sa hardiesse et qui séduit par sa nouveauté ; mais, pourvu qu’elle se donne pour ce qu’elle est, c’est-à-dire pour une hypothèse métaphysique qui n’aspire pas à se faire passer pour une vérité démontrée, elle n’a rien qui soit contraire à la raison. Sans parler de la grande autorité de Leibnitz dont elle se prévaut en première ligne on pourrait lui trouver des analogues dans l’histoire de la philosophie. Bossuet, pour expliquer l’apparition en nos esprits des vérités éternelles, disait que ces mêmes vérités, pensées un instant par nos intelligences éphémères, sont pensées éternellement par une intelligence immuable. Pour expliquer les apparences du devenir et du changement, il faut une réalité invariable ; c’est seulement dans ce qui est et demeure qu’on peut trouver la raison des alternatives de ce qui parait.

Mais il est inutile d’insister sur cette partie du livre de M. Colsenet plus qu’il n’a voulu le faire lui-même. Il semble qu’il ait volontairement sacrifié ou relégué au second plan ces sortes de considérations. Personne ne se plaindra qu’il ait trop accordé à la métaphysique ; quelques-uns regretteront peut-être qu’il ne lui ait pas accordé davantage. Il y a en lui, on l’a vu, un observateur sagace, un psychologue pénétrant ; il y a encore en lui quelque chose de meilleur à quoi le psychologue et l’observateur ont, à notre sens, fait quelque tort ; c’est le métaphysicien.

Victor Brochard.

Pompeyo Gener : Contribution a l’étude de l’évolution des idées La Mort et te Diable, histoire et philosophie de deux négations suprêmes. Paris, C. Reinwald, 1880. xl-780 pp. in-8o.

M. Pompeyo Gener nous apporte sur deux grandes idées humaines ; le Néant et le Mal un livre de conscience. Titre, sous-titre, lettre-préface, introduction, rien ne manque. La table alphabétique des matières est un faisceau de jalons pour le lecteur qui aurait la maleohance de s’égarer. Au fond de tout cela, il y a une idée excellente qui eût pu devenir grandiosement dramatique, si elle n’avait eu trop souvent à se débattre contre les étroitesses du système, les défaillances de l’érudition et l’insuffisance du style.

La vie et la mort, Du corps et de l’âme, De l’immortalité, Consëquences pratiques, De l’idée du mal philosophiquement considérée : tels sont les principaux chapitres de la partie philosophique de