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h. spencer. — de la différenciation politique

de la superposition de rangs qui est l’effet de la conquête. Les Incas réunirent sous leur domination plusieurs petits royaumes ; mais ils les laissèrent sous le gouvernement des souverains locaux et de leurs subordonnés, sans rien déranger dans l’administration locale ; seulement ils établirent à la tête de leur empire une organisation supérieure, formée d’une hiérarchie variée occupée par des Incas. Les traditions permettent de croire que des causes analogues produisirent des effets analogues dans les premiers siècles de l’histoire de l’Égypte, et les monuments qui nous racontent les luttes locales d’où sortit l’empire unifié, aussi bien que les conquêtes des races d’envahisseurs, nous l’attestent encore ; la conséquence nécessaire de ces événements devait être l’établissement de nombreuses divisions et subdivisions qui existaient réellement dans la société égyptienne. Ce qui justifie cette opinion, c’est que sous la domination romaine une re-complication fut le résultat de la superposition de l’appareil gouvernemental romain sur les appareils gouvernementaux indigènes. Laissant les exemples tirés de l’histoire ancienne, pour les exemples mieux connus de l’histoire anglaise, nous voyons que les compagnons du conquérant normand formèrent dans le pays une seconde couche de barons, tenant directement leurs terres du roi. Ils occupaient le rang supérieur, tandis que les anciens thanes anglo-saxons se trouvaient réduits au rang de sous-feudataires. Naturellement, lorsque des guerres perpétuelles produisent d’abord de petites agrégations, ensuite de plus grandes, puis des dissolutions suivies elles-mêmes de re-agrégations et après cela de l’union de ces agrégations, d’étendre plus ou moins grande, comme il est arrivé au moyen âge des divisions très nombreuses prennent naissance. Sous les rois mérovingiens, il y avait des esclaves de sept origines différentes ; il y avait plusieurs rangs de serfs ; il y avait des affranchis, c’est-à-dire des hommes qui, bien qu’émancipés, n’avaient pas le rang des hommes complètement libres ; il y avait encore deux classes au-dessous de l’homme libre, les liten et les coloni ; il y avait trois classes d’hommes libres, c’est-à-dire propriétaires fonciers indépendants ; deux genres d’hommes libres dépendant d’autres hommes libres ; enfin trois genres d’hommes libres unis au roi par des relations particulières.

Tout en remarquant dans ces divers exemples comment une intégration politique plus grande rend possible une différenciation politique plus grande, nous pouvons remarquer aussi que dans les premières périodes tant que la cohésion sociale est faible, c’est par une plus grande différenciation politique qu’une plus grande intégration politique est possible. En effet, plus la masse à maintenir