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REVUE DES PÉRIODIQUES ÉTRANGERS




MIND
Octobre 1880.


Grant Allen. L’évolution esthétique chez l’homme. — Le but de l’article est d’examiner la question sous un seul aspect : Quelle marche a suivie l’évolution esthétique depuis le sentiment simple et borné du sauvage et de l’enfant jusqu’à son expansion pleine et entière chez l’adulte cultivé ? Quel est le point de départ dans l’appréciation du beau, ou, pour procéder sous une forme concrète, quels sont les objets que l’homme considère tout d’abord comme beaux ? L’Européen cultivé prend grand plaisir à contempler le coucher du soleil, les lacs, les rivières, etc. ; l’enfant et le sauvage n’en font nul cas. Il n’en faut pas conclure qu’ils n’ont aucun sens du beau car il y a des objets qu’ils qualifient de jolis (pretty), ce qui est le signe le plus simple d’une appréciation esthétique. Les esthéticiens ne voient le sens du beau que dans ses formes les plus hautes ; mais le psychologue le découvre dans l’admiration du petit villageois pour une primevère, tout comme dans l’état d’un dillettante devant un Boticelli ou un Pinturiccio.

Il existe chez les vertébrés et les insectes deux formes du sentiment esthétique : sens du beau visuel, sens du beau auditif (faits de sélection sexuelle cités par Darwin) ; mais ce sentiment est limité à ce qui concerne l’individu et son espèce. La sélection sexuelle admise, il faut admettre aussi que l’animal considère comme beau celui de ses semblables qu’il choisit. Il y a un goût héréditaire fixé dans chaque espèce qui consiste dans l’appréciation du type spécifique pur et sain. De même aussi, chez l’homme primitif, la première conception de la beauté a dû être purement « anthropoïstique » ; elle a dû se former autour de la personnalité de l’homme et de la femme. C’est là ce point de départ que nous cherchons.

Mais, de cette beauté toute personnelle à l’amour de la décoration, le passage est naturel. Aussi voyons-nous des sauvages nus s’orner de coiffures fantastiques, de fleurs, etc. Même l’homme de l’âge paléolithique possédait des ornements personnels, comme le prouvent les découvertes archéologiques.

Du plaisir que cause la beauté des ornements au plaisir que causent